Ici, vous trouverez Trio, un roman de Xan, qui fut publié entre janvier et mars 2010 sur www.xantate.com


jeudi 28 janvier 2010

Trio - Chapitre 2

  On y arrive, le chapitre deux, le décor planté, on avance dans l'histoire. En route!

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  J'ai fait le tour du lac pour retrouver mes vêtements et les mettre. La nuit n'était pas spécialement fraîche, mais j'avais froid. Je ne suis pas peureux, je ne l'ai jamais été, mais voir un homme mort n'est pas un spectacle plaisant. Et voir un homme presque décapité est autre chose encore. Alors que je retourne vers le lieu du drame, je ne peux m'empêcher de chercher une explication. Aucune arme n'aurait pu faire ce type de blessure. De plus, un meurtre? Dans notre ville, cela n'arrive pas. Il y a des querelles, des affinités et des animosités, mais rien qui aille au delà de ce qui peut être réglé par le dialogue, et éventuellement une violence modérée.
  Je ne vois qu'un animal. Mais lequel? Aucun ours ne viendrait si loin dans la ville, même si c'est l'animal qui d'un coup de patte serait capable d'une telle blessure. Un loup? Ils parcourent parfois la ville, même si rarement, généralement en hiver, à la recherche de nourriture parmi nos poubelles, mais il faudrait qu'il s'agisse d'un molosse énorme, avec un mâchoire dépassant l'entendement. A quoi est-ce que je ne pense pas?
  J'arrive sur les lieux, et je vois que la foule est moins nombreuse. Le corps a été recouvert d'un drap, et ceux du conseil examinent les alentours. Il n'y a plus rien à voir. Ma sœur m'attend, en retrait, et je me dirige vers elle. Elle ne me regarde pas m'approcher, mais comme toujours, elle sait que je suis là. Son regard est perdu dans le vague, levé vers le ciel. Sa voix est douce, harmonieuse.
  _ Nous devrions rentrer. Qui était la jeune femme avec toi?
   Elle n'attend pas vraiment de réponse, je le sais aussi, et elle s'éloigne déjà.
  _ Qu'en pensent-ils?
  _ J'ai cru comprendre qu'ils parlaient d'un animal, un loup affamé, réduit à attaquer l'homme. Les plus anciens disent que c'est déjà arrivé.
  Nous marchons en silence, je n'ai rien à ajouter, je crois. L'une des choses entre nous, est que nous ne parlons pas beaucoup. Nous n'en avons pas besoin. Depuis notre plus jeune âge, nous sommes habitués à la valeur du silence. Parfois, je me dis que c'est une consolation pour le fait que nous n'avons rien à nous dire, que nos existences sont réglées, et qu'elles n'apportent aucune surprise, aucune nouveauté. Je m'en satisfais, je le dis sans honte. Je suis jeune, mon frère et ma sœur forme ma famille, j'ai un lieu de vie, et une occupation quotidienne. Je ne sais pas ce que je voudrais demander de plus.
  Alors que nous marchons dans la ville, je remarque qu'un silence est installé. En début de nuit, alors que les habitants sont dans leur maison mais ne dorment pas encore, on peut les entendre vivre, on peut entendre leurs animaux, et certains sauvages qui se promènent à la recherche de quelque nourriture. Aujourd'hui, maintenant, il n'y a que le bruit de nos pas qui touchent la terre pour percer la nuit. C'est loin d'être rassurant, et un frisson me remonte le long de la colonne vertébrale.
  _ Ce n'est que le cri du mort et l'odeur du sang qui ont troublé les vivants.
  Ma sœur l'a remarqué, et d'une certaine manière, elle cherche à me rassurer. Cela ne marche pas vraiment. Mais, plus nous nous éloignons, et plus les bruits de la vie nocturne reprennent leurs droits. Lorsque nous atteignons notre maison, j'ai repris le contrôle de moi-même.
  Devant la porte, les bras croisés et les jambes fermement plantés dans le sol, notre frère nous attendait. Alors que notre sœur a combattu la détresse issue de la disparition de nos parents en rêvant, en se détachant de sa douleur, notre frère lui s'est endurci, a construit un rempart autour de lui, prenant la douleur à bras le corps et l'absorbant comme une fatalité. Sa tenue s'en est ressentie, sa voix s'est faite plus dure, tranchante.
  _ Qui était-ce?
  J'ouvre la bouche pour répondre, lorsque je m'aperçois que je n'ai pas de réponse à donner. Je n'avais jamais vu cette personne. Ma sœur me devance.
  _ Vraisemblablement un étranger. Personne ne l'a reconnu, et sa tête, bien que presque séparée de son corps, était intacte.
  Elle glousse presque, mais j'ai peut-être mal entendu. Jiono me regarde pour me laisser la parole, mais je n'ai rien à ajouter. Il se contente de rentrer dans notre maison sans un mot de plus. Fiana le suit immédiatement, et moi je reste quelques instants en arrière.

  Peut-être deux heures plus tard, je suis dans ma chambre, je suis sur mon lit. Aucun bruit ne vient déranger mon sommeil, mon esprit est relativement clair et pourtant je n'arrive pas à dormir. J'ai tourné et retourné dans mes draps une bonne heure, et là je fixe le plafond que je vois comme une grande masse noire au dessus de moi. Je n'ai jamais eu de problème vis à vis du sommeil.
  J'entends ma porte de chambre s'ouvrir, et la lumière d'une bougie fait danser les ombres. Lorsque mes yeux se sont adaptés, je reconnais la silhouette de ma sœur. Elle ne dit pas un mot, et je ne trouble pas le silence non plus. Au bout d'un moment, elle recule et s'évanouit dans le couloir, laissant la porte ouverte. Oui Fiana, j'arrive...
  Je me lève et enfile quelques vêtements. Les pieds nus, je me rends dans notre salle d'entraînement. Le bois ne prend pas la peine de craquer sous moi. Dans la salle, quelques bougies ont été allumées, suffisamment pour voir, mais sans doute bien trop peu pour pouvoir lire. Cela dit, nous ne sommes pas là pour ça. Ma sœur m'attend, elle danse. Étonnamment proche d'une danse gracieuse et enchantée, dont les mouvements forment des histoires, il s'agit en fait de mouvements d'échauffement, des simulations de coups portés. Une danse martiale, bien évidement. Lorsque moi je m'échauffe, je suis loin de la grâce de ma sœur, mes mouvements sont fluides, mais puissants, d'une précision à toute épreuve. Plus d'une fois, je me sers de mon corps comme le ferais un acrobate, sautant, me tenant en équilibre sur une main.
  Je ne suis pas surpris lorsqu'un cri raisonne derrière moi. Il s'agit de notre frère qui se joint à nous, qui bouge comme un animal sauvage le ferait, sans marquer un instant de pause, sans ralentir, sans faillir, criant à chaque coup imaginaire, frappant le sol du pied. Trois approches différentes du combat, trois héritages de Gina.
  Marquant à peine une pause dans son échauffement, Fiana se rapproche de moi et m'attrape un bras. Elle n'a rien de l'allure d'un homme, personne ne pourrait confondre ses traits et sa silhouette, mais elle a des muscles d'acier. Je me sens attiré vers le sol, mais d'un mouvement de hanche, je redirige le mouvement pour que ce soit elle qui soit mal prise. Elle se laisse entraîner au sol, mais ne lâche pas mon bras, y enroulant ses jambes jusqu'à l'épaule pour m'immobiliser. Mon frère s'est rapproché. Je suis déjà en mouvement lorsque je l'entends crier. Le coup de poing qui aurait dû me toucher au flanc ne fait que me frôler. Pliant les jambes pour baisser mon centre de gravité, je serre les dents et bande les muscles de mon bras immobilisé. La prise n'est pas assez bien placée pour que Fiana puisse me démettre l'épaule, et je la soulève du sol.  De surprise, elle lache mon bras et bien que Jiono recule lorsqu'il la voit venir sur lui, il tend les bras pour la réceptionner. Pour ma part, je frappe le dos de ma sœur d'un coup de pied. Pas assez pour lui briser les os, mais suffisamment pour les pousser au sol.
  Leurs réactions ne tardent pas. Lorsque Jiono touche le sol, leur mains sont jointes et de leur double force, Fiana se retrouve propulsée vers moi, se retournant en plein vol pour me faire face. Elle est plus souple que nous deux, et bien que cela ne soit pas son style, plus acrobate que moi. Je bloque simultanément un poing de mon avant bras et un pied de ma jambe, mais cela n'entrave pas son avancée, et elle utilise son poids en s'accrochant à moi de ses membres libres. Je suis déséquilibré et projeté plus loin, là où je sais que mon frère pourra m'atteindre. Je me réceptionne à peine à genoux que je sens une prise me saisir aux épaules. La poigne de Jiono est ferme, bien trop pour que je puisse la forcer. Je le laisse donc m'immobiliser les bras et utiliser son poids pour me retenir. Mais cela ne sera pas suffisant. J'entends le pas si léger de Fiana courir sur nous. C'est le moment. Je soulève Jiono du sol, à la force de mes jambes, et je nous projette en arrière. Je crie sous l'effort. La première résistance m'indique que nous rencontrons notre sœur. La seconde qu'elle vient de céder et que nous sommes tous les trois au sol. Mes bras sont de nouveau libres et je roule immédiatement sur le côté et me redresse en me mettant en garde. Fiana ne bouge plus, mais Jiono se relève laborieusement. Je sais ce qu'il va se passer, je peux le lire dans ses yeux. Non, aucune haine entre nous, aucune colère excessive, juste une détermination. Il veut me faire tomber, mais n'y arrivera pas.
  Je le laisse se préparer à l'attaque. Il ferme les yeux, il se campe solidement au sol, les bras collés au corps, et il contracte les muscles. C'est une particularité de notre école. la concentration, l'accumulation d'énergie. Il va frapper, et frapper bien plus fort qu'il n'en serait normalement capable. Il force son corps à être plus efficace, plus rapide, plus fort. Je ne le fais jamais, j'ai trop peur de perdre le contrôle, mais lui n'a pas ce problème. Il en a fait sa spécialité. Par respect pour lui, je ne peux le laisser gagner. Il ouvre les yeux et son regard est d'or, durant une fraction de seconde. Il avance d'un pas, son torse est en mouvement, son épaule avance et son bras se dresse, le poing fermé. Seul mon entraînement me permet de décomposer le mouvement, et encore, plus par habitude. Je réagis d'instinct. Mes deux paumes redirigent le poing qui devait me frapper le torse, et je dévie l'attaque en l'attirant vers moi. Je me tourne tout en continuant le mouvement, et il vient se cogner de toutes ses forces sur mon dos. Je sens qu'il a le souffle coupé et je sais que c'est terminé. J'arque le dos et tire sur le bras toujours prisonnier, le faisant basculer par dessus. Il atterri sur le dos, juste devant moi, et ne se relève pas.
  Cela dit, j'ai sous-estimé un élément. Fiana me fauche les jambes et je me retrouve au sol à mon tour. Elle est sur moi, s'apprêtant à me frapper le visage. Je ne lui en laisse pas le temps. Elle stoppe son mouvement lorsqu'elle voit mes deux poings arrêter leur course à quelques millimètres de son ventre. Nous restons quelques instants ainsi, et elle ferme les yeux, comme pour aller dans le monde intérieur qu'elle seule connaît. Lorsque j'entends un mouvement derrière et que je vois la silhouette de Jiono, elle sourit et se redresse.
  Ils m'aident tous les deux à me relever. Nous sommes en nage, mais nous sommes plus sereins également. Nous n'étions pas en danger, évidement, à aucun moment. Nous sommes suffisamment forts pour pouvoir nous battre de la sorte sans risquer de nous blesser. C'est un mode de communication tellement plus efficace en ce qui nous concerne, c'est la façon dont nous avons été élevés.
  Sans un mot de plus, nous regagnons nos chambres. Je sais pourquoi Fiana est venue nous chercher. Elle non plus ne pouvait dormir. Elle s'est trouvée plus affectée par le spectacle du mort qu'elle n'a voulu le laisser paraître, ou même qu'elle ne l'aurait cru. Tout comme moi. Et par empathie, Jiono, lui-aussi s'est senti touché. Par cet affrontement, elle a canalisé ses peurs, ses troubles. C'est ce que j'ai fait moi également. Lorsque je me glisse dans mon lit, le sommeil est déjà proche.


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Alors, alors, alors?

On creuse un peu les personnages, on montre un peu qu'ils savent bel et bien se battre, mais que ce sont malgré tout des êtres humain
s avec des sentiments et tout... Logiquement, ça va devenir intéressant maintenant!
Xan

3 commentaires:

  1. c'est sûr que les personnages sont bien posés maintenant ( d'ailleurs j'suis dingue de Jiono <3 ) mais je trouve le contexte encore un peu flou, j'ai du mal à me situer : époque, ville, pays
    j'ai besoin de ses repères moi sinon j'suis paumé ^^"

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  2. Désolée pour le retard!!!!! Je m'étais arrêté en plein milieu du chapitre en plus et juste avant le passage le plus intéressant. J'ai eu un peu de mal à comprendre tous les enchainements de combat mais c'était passionnant. J'ia hâte de voir qui va mettre Dirac en difficultés (peut-être la fille?) s'il y a quelqu'un.

    Oh zut, je viens de me rendre compte que j'ai supprimer ton message alors que mon blog n'en gardait aucune trace.

    Bon, je vais me rattraper en lisant la suite ^^

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  3. Une premiere impression (nocturne) tres bonne! Debut d'histoire qui pose pas mal de questions et qui rend curieux pour la suite.Les personnages, y compris Dirac sont tres humains. Dommage qu'on ait pas plus d'informations a ce stade sur la date ou le lieu des evenements, mais c'est peut etre voulu? en meme temps ca laisse travailler l'imagination...
    Bon courage!

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