Ici, vous trouverez Trio, un roman de Xan, qui fut publié entre janvier et mars 2010 sur www.xantate.com


samedi 13 février 2010

Trio - Chapitre 8

  Et un chapitre de plus, un! (Je dis toujours la même chose en intro? Vous croyez que c'est facile d'être original? La prochaine fois, je fais des chapitres plus long, ca fera moins d'intros!)
  Bonne lecture!!!


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  _ Donc, la plaie est profonde, mais tu as recousu les chairs et même s'il ne doit pas l'utiliser pour le moment, d'ici quelques semaines, son bras se sera remis?
  Seul un hochement de tête me répond, comme toujours.
  _ Il dort?
  Elto me montre une bouteille proche. Il s'agit d'un alcool fort, qu'il a du utiliser sur la plaie, et également pour endormir mon frère. J'en ai déjà gouté et le souvenir du mal de crâne qu'avait provoqué une seule gorgée est profondément ancré dans ma mémoire. Jiono ne se réveillera pas avant plusieurs heures. Et je n'aimerais pas être dans ses jambes à ce moment là.
  _ Merci.
  Elto s'écarte silencieusement, et pour ma part, je grimpe quelques étages. Les instants de l'aube touchent à leur fin, mais je ne sais quoi faire d'autre pour le moment. Sur le toit, ma sœur m'attend, j'en suis sûr.
  _ Dirac...
  Elle me regarde m'asseoir à ses côtés, puis nous nous tournons tous les deux vers la lumière. Nous y baignons quelques instants à peine, et rapidement nous ne pouvons plus regarder le soleil en face.
  _ Les démons peuvent disparaitre du monde vivant. Leur corps est aussi mortel que le nôtre...
  J'hésite quelques instants, mais mon désir de protection n'est qu'une idiotie si il bloque la vérité. Je ne dois pas décider à sa place.
  _ Ce sont des hommes qui sont perdus, transformés. Ils sont plus forts, plus rapides, mais ils meurent comme nous. Ils craignent la lumière du soleil.
  Dans le fond, est-ce l'étendu de mon savoir? Mais alors qu'est ce qui me fait penser que cette histoire laissera de profondes cicatrices dans notre ville? Pourquoi ai-je une peur croissante qui me touche l'abdomen? Une peur, non pas pour ma propre sécurité, mais pour mes proches? N'avons-nous pas déjà supprimé l'une de ces bêtes?
  _ Je vais traquer le second démon, aujourd'hui même, et nous allons patrouiller cette nuit, et les quelques nuits suivantes.
  Pourquoi craindre ce qui n'est pas connu? La peur est-elle le véritable ennemi d'un homme, tout au long de sa vie, toujours là, présente directement en lui, parfois active, parfois en sommeil? Un homme qui se laisse aller à sa peur n'est-il finalement qu'une victime de ses propres faiblesses? Un poids pour lui-même, et surtout pour les autres, les gens qui lui sont proches?
  _ Le guerrier veut-il l'aide d'une princesse?
  Je la regarde, et malgré son regard perdu dans un monde qui m'est étranger, je vois une inquiétude sur ses traits, ainsi qu'une peur également.
  _ Non ma princesse, pas aujourd'hui. Reste ici, et protège notre maison. Je sais qu'ils sont mortels, je vais m'en charger.
  L'illusion de l'assurance que l'homme est capable de présenter à ses proches est une barrière face à sa propre peur. Il peut se convaincre lui-même de sa force, d'un statut immortel, que rien ne peut se dresser sur sa route qu'il ne pourrait abattre de ses mains et de son intellect liés. Cet aveuglement est même parfois sa meilleure défense. Sa seule défense face à sa propre naïveté.
  _ L'Âme Grise est pire qu'une étoile. Plus proche, tellement qu'on peut la toucher, mais plus inaccessible encore. Il n'y a pas d'avenir entre un guerrier et une fée de poussière.
  Je la regarde intensément. Elle, elle me sourit et se détourne. Je tente de lui attraper une main mais elle est plus vive qu'un furet, et disparait dans la maison.
  Qui? Mais qui es-tu donc, ma sœur, pour dire ce genre de choses? Une Âme Grise? Une fée de poussière? Je suis le guerrier, elle m'a toujours appelé comme ça depuis que nous sommes enfants. Je sens comme un poids dans mon esprit, et je secoue la tête comme pour m'en débarrasser. Alnia? C'est de Alnia dont tu veux me parler? Comment peux-tu? Tu l'as à peine vue, et tu parles d'elle comme si tu avais vu sa vie, comme si tu la connaissais, que tu l'avais faite.
  Moi je l'ai vue, je l'ai serrée dans mes bras, je l'ai vu joueuse, pleurante, dangereuse, implorante... J'ai vu plus que tu ne verras jamais d'elle. Et tu essaies de me dire qu'elle est, qu'elle serait un monstre elle-aussi? Ma sœur, princesse de notre famille qui n'est plus qu'une fade image de sa gloire d'antan, tu te trompes, et n'oses pas t'aventurer sur cette voie, je t'en supplie. Je ne veux pas avoir à faire un choix.
  Je m'allonge sur le toit, croise les bras derrière ma tête, et contemple le ciel. Je ne dois pas m'endormir longtemps, j'ai une vie à prendre.

  Jiono avait le teint pâle lorsque je suis passé le voir. Son sommeil partiellement artificiel ne l'empêchait pas de tourner et retourner dans son lit, la sueur au front. Le douleur n'est pas une bonne compagne. Elto m'a salué lorsque je suis sorti. Il est inquiet, et pas seulement pour moi. Ne t'en fais pas, je protègerais de mon mieux ta maison.
  A l'extérieur, peu sont ceux qui s'aventurent. La ville est presque plus morte encore que la nuit précédente. N'ont-ils pas compris qu'ils ne risquent rien lorsque le soleil est dans le ciel? Je refuse de m'attarder. J'arpente les rues, plus pour me concentrer que pour traquer la créature. Je ne vais pas tomber sur elle par hasard, il faut que je liste les endroits où elle pourrait s'être réfugiée. Où elle vit et dors le jour.
  Une maison est exclue. Depuis plusieurs jours, quelqu'un aurait signalé si un habitant ne donnait plus signe de vie, et je doute que les bêtes soient assez subtiles pour ne pas enfoncer une porte, chose qui se serait entendue, et se verrait, évidement. Une grotte peut-être? J'ai beau me creuser la tête, je ne vois pas d'autre possibilité. Peut-être. Si, éventuellement, des habitations extérieures, des fermes, qui sont souvent isolées des jours durant. Il y en a une bonne dizaine proche. Et les grottes ne manquent pas dans un rayon de deux heures de marche. J'en connais une bonne partie, et tout autant me sont inconnues. En me basant sur le secteur de la ville où la créature s'est manifestée, la zone du lac et ses proches habitations, je peux isoler toute une portion pour mes recherches.
  C'est là que me portent mes pas. Le lac n'est troublé par aucun son, aucun mouvement, il est immobile, lui aussi d'un aspect mort. Je n'ai pas du tout envie d'aller m'y baigner et j'en reste à bonne distance. Je connais quelques grottes dans la zone.
  La première se révèle vide. La deuxième est partiellement obstruée par plantes sauvages, bien trop pour que quoi que ce soit de plus gros qu'un furet puisse passer.
  Au bout de la cinquième, l'absurdité de ma démarche éclate dans toute sa splendeur. Le temps passe, il y a des centaines d'endroits où la créature pourrait être, et il suffit qu'elle reste immobile, tout simplement en sommeil, pour que je passe à côté sans la voir. Je sens la frustration monter en moi, comme une main qui s'amuse avec mon cœur et ma gorge. Laisse-moi! J'ai trop à faire pour me laisser aller à la peur!
  Je reviens vers le lac. J'ai une idée, qui peut-être, serait une solution... L'après-midi avance, et il me reste une poignée d'heures de lumière. Je m'assois en tailleur et cherche à relaxer mes muscles, la tension qui m'habite. Progressivement, je me tourne vers la méditation, les yeux fermés, focalisant mon esprit sur un point stable de ma vision intérieure, une sorte de point de lumière sur un mur noir. Je sens ma perception du monde autour se modifier. Les sons s'étouffent, le vent devient caresse puis s'évapore. Coupé de l'extérieur, j'imagine dans mon esprit ma ville, en commençant par ma position actuelle. Le lac, les maisons proches, les rues de terre, les maisons plus éloignées, ma propre maison, la place du marché, le bâtiment commun... La rivière aussi, qui tranche sur le reste du paysage... Puis, j'ajoute les environs, la forêt, la vallée de l'autre côté... Je sais que ce n'est pas une représentation qui vient seulement de ma mémoire.
  C'est un exercice que ma mère m'avait montré. A l'époque, j'étais très jeune, et je n'avais pas réussi à visualiser au delà de la pièce où nous étions présents. Ma mère avait simplement souri, tendrement, comme elle savait si bien le faire nous concernant. Et elle m'avait dit de m'entrainer, que cette technique de méditation serait utile un jour, et que j'étais capable de la maitriser, aussi bien qu'elle. Mon père n'en avait jamais parlé, et je me suis toujours demandé si il en était maître ou étranger. Mon frère n'a jamais eu la patience de s'entrainer. Ma sœur en est experte, bien plus que moi, à tel point que je crois qu'elle y fait appel en permanence.
  Voilà, dans mon esprit, j'ai toute la zone, non pas avec le moindre détail physique, mais géographiquement. Et là, je laisse mon esprit dériver dans cette représentation, je le laisse voler au dessus, une projection interne de mon moi dans mon propre esprit. Je cherche un fil.
  Dans cette représentation, il y a des connections partout. Des fils d'une finesse telle qu'ils s'écartent devant tout mouvement, et dont on ne voit que des éclats de couleur, des couleurs neutres exprimant pour la plupart les liens entre les objets, des couleurs vives parfois pour les liens entre les personnes, suivant les sentiments les rapprochant.
  Celui que je cherche, il s'agit d'un lien noir. Ma mère m'avait expliqué que deux couleurs étaient extrêmement rares, le blanc et le noir. Un lien blanc est symbole de pureté, d'innocence... Il s'agit d'une couleur que l'on peut parfois trouver entre une mère et son enfant les quelques minutes suivant la naissance. Et le noir, celui-ci n'existe pas entre deux personnes, il existe uniquement entre une personne à l'âme sombre et ce qui l'entoure, s'exprimant comme un nuage de tentacules, une force qui tente d'avaler tout ce qui est à proximité. Elle m'a dit ne jamais avoir été confronté à ce genre d'individu, et que dans la famille, rare était ceux qui avaient dû lutter contre une âme noire de ce type. Son conseil était le même que celui que lui avait donné sa propre mère : une prudence extrême, une attaque sans réserve, une destruction sans condition.
  Voilà donc ce que je recherche, une source de fil noir, dévorante. Alors que mon esprit vogue comme un oiseau planant dans la projection de la ville, le malaise augmente chez moi, troublant parfois ma vue interne. La ville elle-même semble neutre, et arrivée à ses limites, je fais demi-tour pour revernir vers le lac. J'y vois mon propre corps, les yeux fermés, et je suis surpris de voir des fils d'or et d'argent flotter tout autour. J'ai envie de me rapprocher de ma maison pour voir ma famille... Mais je me focalise, je dois absolument trouver la créature. L'exercice est épuisant.
  Un son vient me troubler, une sorte de sifflement, et me tournant de la direction, je vois une brume non loin, au dessus d'un groupe d'habitation. Une brume plus grise qu'un ciel d'orage. Je ne perds pas de temps pour m'en approcher. La brume est plus massive que je n'avais cru. Elle bloque une parcelle complète de la ville, incluant presque une dizaine de maisons. Je me rapproche, et je sens presque une pression contre moi, cherchant à m'écarter. Je force, j'avance et pénètre dans la brume.
  J'entends des grognements. Je ne devrais pas être capable d'entendre, de vraiment entendre. Suis-je plus profondément ancré dans la vision interne que je ne le pensais? La source du son est proche. Trop proche. Je sens une brulure me saisir. Non pas une brulure sur ma peau, non! Une brulure interne, comme si mon esprit prenait feu. Je me tourne et là, je vois. La créature est là, immobile. Elle semble dormir. Je la vois à travers une maison, son toit, ses murs... Elle semble être sous terre. La douleur ne vient que de sa projection, de sa noirceur qui dans ce monde psychique est décuplée, jusqu'à m'attaquer. Je fuis l'assaut, la brume tout autour de moi. Une tentacule noire m'attrape un bras, mais je parviens à me dégager. La brûlure est sévère, mais j'ai ma réponse.
  Je sors à toute vitesse de la brume. Qu'est ce que tu signifies? D'où vient ce phénomène? Le trajet vers le lac est parcouru en un éclair. Et mon esprit réintègre symboliquement mon corps, bien que ce soit presque l'inverse, puisqu'en vérité, mon esprit remonte à la surface de mon être, ne regardant plus vers l'intérieur mais l'extérieur.
  Je rouvre les yeux, et mon corps est fatigué. La lumière est encore forte, mais pour combien de temps? Je me lève mais trébuche. Mes membres sont engourdis, et mon bras est douloureux. Là où la tentacule l'a saisi, une plaque noir s'étend, aussi douloureuse que si on m'avait enlevé la peau. Cette plaie à vif comme je n'en ai jamais connue, est inquiétante... Mais je ferme la main et la plonge dans le lac. La fraicheur est bénéfique... Et je peux serrer le poing, donc je peux frapper...
  Prépare-toi, créature. Je ne sais pas ce que tu es, mais je vais te tuer.



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  Je sais pas vous, mais moi j'aime bien Elto. Quelqu'un qui ne parle pas, c'est appréciable non? Et puis Alnia aussi d'ailleurs. Ceux qui ont du caractère quoi, et qui sortent de l'ordinaire! Sachez d'avance que je compte bien m'amuser comme un petit fou avec tout ce monde là, et que j'ai jamais eu peur de faire BEAUCOUP de mal à mes persos, si cela se justifie. Mais avec le prologue, je suppose que c'est attendu! J'ai un avis (souhait?) déjà de Gabi pour le pétage de plomb du héros.... Je prends les votes!

  Xan

2 commentaires:

  1. Alors là, une question se pose : qui de Jiono, mordu, ou Dirac, dont l'âme a été touché, va se transformer en monstre ?
    Autant l'un que l'autre expliquerait le prologue : son frère et sa soeur auront été contaminé et il aura du les tuer ou bien c'est lui qui se sera transformer et aura tué tout le monde. Mmh, je sais pas quoi choisir =)
    Sinon, cool l'expérience de la projection astral ! ça m'a fait penser au manga Ghost Hound !
    Dommage qu'on ait pas vu Alnia, elle m'intrigue elle

    Gali

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  2. Moi, je suis pour la 1ère hypothèse de Gabie parce qu'on voit dans le prologue que Jiono est désolé, il le dit lui-même, et que donc, il a des choses à se rapprocher et que c'est lui qui a foutu le bordel. dirac aussi a été touché mais comme c'est lui-même une bête, il sait se contrôler, même si je suppose qu'il aura du mal comme avec l'afrontement contre Alnia. D'ailleurs, ce sera peut-être elle qui le calmera mais je pense qu'elle ne va pas faire long feu elle non plus puisque si je me souviens, elle ne fait pas partie du prologue.

    Aaaaah, ça m'énerve, je mle reporte toujours au prologue, je te le dis dis, t'aurais du changer de prologue MDR

    Moi aussi, j'aime bien Elto, j'aime bien tout le monde en fait, avec Dirac en préférence (je m'identifie souvent au héros, je dis souvent parce que dans l'Amnésique de Gabie, je m'identifie plus au petit métis) et moins Alnia. Mais ils sont tous travaillés de manière si fine qu'on s'y attache ^^

    Je voulais lire hier le chapitre 8 et j'avais même commencé pour t'épater mais j'étais trop crevée et je me suis couchée tôt (22h30, si, si, c'est tôt). Mais je vois qu'un petit chapitre a été rajouté dans la nuit. C'est cool, ça, je serai resté sur ma faim sinon ^^

    Bisous.

    Je mets plus de tmeps à commenter qu'à lire --"

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