Ici, vous trouverez Trio, un roman de Xan, qui fut publié entre janvier et mars 2010 sur www.xantate.com


mardi 16 février 2010

Trio - Chapitre 9

  Et un long chapitre cette fois, avec du polar, de l'action, de révélations et tout et tout, comme dans les films gros budget!
  Bonne lecture!

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  Quelques instants plus tard, je suis dans mon intégralité devant la bâtisse qui abrite la créature. Mes genoux auraient tendance à trembler si je ne concentrais pas tout mon esprit sur ma tâche. La maison est ancienne, elle n'est pas négligée. Je ne connais pas du tout cette zone, et encore moins qui pourrait habiter ici. Je crains de le découvrir macabrement bien assez tôt. J'ai croisé quelques voisins, mais ils m'ont tous ignoré comme si le simple fait de me regarder allait leur porter malheur. Je les plains presque d'être si faible. Tellement faibles physiquement qu'ils ne sont pas capables de se défendre, et mentalement car ils ne l'envisagent même pas. Je ne comprends pas, comment peut-on accepter la fatalité? Comment peut-on ne pas vouloir protéger ceux qui nous sont chers, ou même une personne que l'on connait depuis à peine quelques instants, voire pas du tout?
  Je me reprends lorsque je me rends compte que je suis devant la porte depuis plusieurs minutes sans bouger. Le soleil est toujours là, peut-être pour une bonne heure, éventuellement deux. Ensuite, c'est quartier libre, mais je ne l'autoriserai pas. La porte ne s'ouvre pas facilement, j'aurais dû le pressentir. Un coup d'épaule résout le problème. La finesse sera pour une autre fois. Je me doute que la créature est parfaitement capable de me sentir. A l'intérieur, il fait sombre. Toutes les ouvertures sont obstruées, les volets fermés. Je m'attendais à une odeur de pourriture, ou quoi que ce soit d'autre de désagréable, mais ce n'est pas le cas, du moins à cet étage. J'ouvre un volet pour avoir de la lumière, et j'attrape une bougie que j'allume laborieusement avec deux pierres à feu.
  La maison a un étage, mais j'ignore l'escalier et explore ce niveau. Je ne vois rien d'anormal, tout y est net, à part un peu de poussière. Tellement normal que ça en est inquiétant. Cette maison ne doit pas être habitée, pas depuis quelques temps. Je sais que la créature est au niveau inférieur, mais il me faut vérifier l'étage en premier. Les marches de bois craquent beaucoup trop sous mon poids, mais j'avance. Il y a des chambres à l'étage. Et... Contrairement à ce que je pensais, l'une des chambres est utilisée. Il y des vêtements un peu partout et la fenêtre est exposée face au soleil, le volet complètement ouvert, illuminant la pièce d'une sorte d'aura mystique. Les vêtements sont quelconques. Il y a même quelques livres qui trainent sur le lit défait. Ce qui est le plus marquant est l'odeur de cire brulée et le nombre de bougies. Par terre, sur les quelques meubles, suspendues au plafond, il y en a partout. Des dizaines, au moins une bonne centaine, de toute taille. Qui a donc aussi peur du noir? Je m'approche de la fenêtre, me protégeant les yeux face au soleil. Le rebord est couvert de boue... Et laissée négligemment sur le sol traine une paire de chaussures de cuir, usée. Serait-ce une porte en plus d'être une fenêtre? Dehors, un toit en pente, et tout de suite la rue. Peut-être que je n'avais pas tort. Le rez-de-chaussée n'est pas utilisé, mais cet étage, si. Sur l'un des meubles, il y a une bassine d'eau fraiche. La pièce a été utilisée il y a peu de temps, c'est certain. Qui pourrait vivre au dessus de démons comme je vais trouver au sous-sol? Qui se sent de pénétrer chez lui tout le temps par la fenêtre, en escaladant un mur?
  Je secoue la tête. Ce n'est pas ce que je suis venu chercher. Qui que ce soit, la priorité n'est pas là. Le fait même que la fenêtre soit ouverte sur le soleil m'indique que la personne en question n'est pas l'une des créatures que je recherche. Et donc, je dois me concentrer. De nouveau au rez-de-chaussée, j'explore une nouvelle fois les autres pièces. Il n'y a rien, aucun signe de vie... Mais je suis presque déçu lorsque je trouve une voie pour descendre. Il s'agit d'une porte de petite taille, qui s'ouvre avec difficulté. Je dois me pencher pour m'avancer dans le passage et je m'engage dans un escalier de terre, qui descend de façon assez raide. La flamme de ma bougie ne me montre aucune empreinte dans la poussière. Est-ce que je me serais trompé d'endroit? Je préfère ne pas y penser et avancer. Lorsque l'escalier fait place à un sol plat, je peux me redresser. Le plafond est haut, de bois, tout comme le sol et les murs. Je reste quelques instants en arrêt. L'air sent le renfermé, mais il n'y a pas d'odeur plus désagréable. J'ai vraiment peur.
  Pas après pas, j'avance. Montre-toi, si tu es là... La bougie n'éclaire que des parcelles insignifiantes du décor. Je me concentre sur mes autres sens, mais la frustration ne me quitte pas. J'ai l'impression qu'il y a plusieurs pièces, et que ce niveau est plus grand que celui du dessus. Cette cave court-elle sous plusieurs maisons? Je vois des outils de paysan, des vieux chiffons, une zone de stockage de paille... Aucune trace de sang, aucun corps. Aucun rat non plus... Et ça, ce n'est pas bon signe. Je vois un autre escalier qui remonte.
  Enfin, j'entends une respiration. Des inspirations profondes, signe d'un sommeil chez les humains. Avec mille précautions, j'avance vers la source. Si je surprends la créature endormie, est-ce que je dois la tuer sans remord? La lumière s'avance à mon rythme, et trop tôt, elle se plie au relief d'un corps. Un corps presque humain, mais pas assez. La créature est bel et bien endormie, et elle est recroquevillée sur elle-même, lui donnant un aspect presque paisible. Du moins, cela serait le cas si elle n'était pas déformée. Sa tête est posée sur ses mains, et je ne vois pas le côté dont l'oreille manque. Comment l'approcher sans la réveiller, et la tuer de la façon la plus efficace possible?
  Un grognement me prend par surprise, et dans le silence angoissant à peine troublé par une respiration, l'agressivité tranche dans mes défenses aussi sûrement que n'importe quelle menace. Je fais quelques pas en arrière, n'étant même pas certain de la direction du son, et me cogne le dos à un mur. Un mouvement d'air me frôle. Me frôle seulement car j'ai glissé, je me suis emmêlé les jambes et je suis tombé. L'enchainement est presque trop parfait. La bougie m'a sauté hors de la main, et par un miracle quelconque, la flamme ne s'est pas éteinte. Lorsque qu'elle tombe sur un lot de paille, l'effet est immédiat. Je suis déjà relevé lorsque la lumière enfle en une chaleur bientôt étouffante. Cette fois, plus de problème pour voir. J'aurais presque préféré rester dans l'ignorance... Une créature est à quatre pattes devant moi, les lèvres retroussées sur des dents sombres et acérés. Ce que je vois me glace le sang. Le corps est plus fin que les autres déjà vus. J'y devine des formes féminines, une poitrine, des hanches étroites, un bassin large, et une ossature faciale certes déformée, mais aux traits presque fins. La créature en sommeil ne l'est plus. Elle se redresse vive comme l'éclair et crie vers moi. Sa base est masculine, sans aucun doute.
  Elles ont toutes les deux leurs oreilles intactes.
  Peut-être aurais-je du prendre une arme? Un couteau ou quelque chose, qui m'aurait permis de les tuer avant de succomber... Mais non! Je refuse, je ne dois pas me laisser aller. L'école de Gina n'est pas une école où on apprend à avoir peur, elle est au delà de la peur, elle renforce, elle donne les clés du courage.
  _ Venez!!!
  Je crie à mon tour, et peut-être n'est-ce qu'une illusion, mais j'ai l'impression que les deux créatures ont reculé légèrement face à moi.
  Je n'ai personne à protéger ici, mon seul objectif est de les tuer... Je sers les poings, je sens mon cœur qui s'accélère, un flot de force et de vivacité déferlant dans mes veines. Je suis plus concentré, je vois mieux, je ne fais plus qu'un avec moi-même.
  La créature la plus proche, la femelle, est la plus agressive, et me bondit dessus, au moment où je me mets en mouvement. Je les ai déjà vues en action, elles fonctionnent à l'instinct et leur force supérieure compense le manque de subtilité. J'utilise cela à mon avantage. Alors qu'elle saute vers moi, je glisse sous elle, et frappe. Les deux mains au sol, je me tends comme la corde d'un arc, propulsant avec mes pieds mon adversaire sur le plafond. Le choc me fait trembler les bras, et je sais que la bête souffre lorsqu'elle crache un liquide visqueux. Avant qu'elle ne puisse me griffer les jambes, je me dégage, la poussant vers la seconde bête. Celle-là ne prend pas la peine d'attendre. Elle est presque sur moi, et le choc avec sa semblable ne la ralentit qu'à peine. Elle la frappe pour qu'elle s'écarte, et en deux mouvements de ses quatre pattes, elle est sur moi. Ses mâchoires se referment sur le vide, mais une main m'attrape un mollet, sans le griffer. Elle plaque ma jambe au sol et m'escalade pour me maintenir en place.
  Elle tente de me mordre le visage, mais je la maintiens à distance en l'attrapant d'une main au cou. Je la cogne de mon coude libre, de toutes mes forces. La chair sur son visage saigne, et je vois à l'éclat de ses yeux qu'elle est sonnée. Je la fais rouler sur le côté et me relève.
  Autour de nous, le feu crépite de plus en plus fort. Le foin séché flambe comme le plus puissant des combustibles. Le bois formant la pièce est attaqué, et s'enflamme petit à petit. Je m'arrache à cette contemplation. Il était temps. La femelle est là, et après un mouvement que j'ai à peine vu, ma poitrine est touchée, mon vêtement déchiré. Plus par instinct, je lui attrape un bras, et l'attire à moi, l'entrainant au sol, face contre terre. Je lui maintiens le bras tendu, et tirant comme un forcené, je sens les os qui lâchent. Le cri de douleur est à glacer le sang, mais je suis trop profondément enfoncé dans le combat pour que cela me touche. Je m'acharne sur le bras, amplifiant la fracture, comme s'il s'agissait d'une jeune branche d'arbre séchée. Je suis à deux doigts de l'arracher du torse lorsque la seconde bête se rappelle à moi. Elle me laboure le dos et je me cambre de douleur. Me tournant avec fureur, je soulève la femelle du sol et la propulse sur son compagnon.
  Un grognement attire mon attention. Par delà un jeu de flamme dont la fumée gagne de plus en plus de terrain, je découvre une troisième créature. Celle-ci, il lui manque une oreille. C'est mon amie de la veille. Trois? Mais viens donc! Tu ne me fais pas peur!
  Et elle vient. Sautant à travers le brasier qui nous sépare, elle m'entraine par son élan au sol, ses dents claquant à quelques centimètres de mon visage. Je lui réponds par un coup de tête. Ses os sont solides, et je suis aussi sonné qu'elle. Cela dit, j'arrive à la faire reculer. Les deux autres repassent à l'acte. Cette fois, plus question d'être en solo, elles ne vont pas jusqu'à coordonner leurs mouvements, mais elles ont le même objectif, m'immobiliser. C'est la première fois que je les vois faire preuve d'une quelconque tactique. Elles m'attrapent chacune un bras et me clouent au sol. Je ne sais pas comment celle dont j'ai presque arraché un bras est capable de s'en servir. Je rue comme un animal, mes jambes volant dans tous les sens, mais leurs forces combinées me neutralisent.
  _ Non!!!
  La troisième -serait-ce leur chef?- rentre dans mon champ de vision. Elle bave comme une animal enragé, et elle me grimpe dessus, rejetant la tête en arrière pour crier. Je sais que je vais mourir. Mais non! J'ai encore quelques atouts à jouer!
  Jiono n'est pas le seul à utiliser cette méthode. Je me concentre, en une fraction de seconde. Je ferme les yeux et me retire en moi, cherchant et trouvant ma source vitale, ce qui alimente tout mon être, et qui est elle-même alimentée par tout ce qui est autour. En quelque sorte, je secoue cette source, je l'oblige à me donner plus, à me fournir une force qui me serait normalement inutile. Lorsque je rouvre les yeux, les choses se passent au ralenti. Les données ont changé. Je sais que mes yeux sont couleur or, car j'ai un filtre devant ma vue. La créature est plus laide encore comme ça. Mes bras se contractent, et je sens les deux qui me tiennent bouger. Au même moment, une ombre surgit, et fond sur celle qui va me tuer. L'ombre est encore plus rapide que moi. Elle entraine la créature hors de mon champ de vision. Les deux créatures qui me retiennent ne sont pas assez fortes pour me bloquer, et je rabats les bras, les cognant l'une sur l'autre.
  Le nouvel arrivant fait face à la troisième bête, et me tourne le dos. Sa morphologie est féminine, et je reconnais la silhouette. Alnia... Elle se penche et crie vers la bête. Ce cri est tellement proche de celui des démons que cela me glace le sang. La bête qui lui fait face recule, les dents exposées. Ses yeux semblent apeurés, comme si elle avait peur, ou était indécise. Alnia lui fond dessus, sa rapidité est telle que j'ai du mal à suivre le mouvement.
  Mais j'ai moi-aussi fort à faire... Les deux se sont relevés. Il est temps de finir. Mon torse est douloureux, mon dos me brûle comme si il était en feu. Et le vrai feu tout autour est brasier. La chaleur est insoutenable, l'air devient rare, la fumée descend du plafond pour la plus sûre des promesses. Une fois de plus, je ferme les yeux et tire une énergie de ma source interne... Lorsque j'ouvre les paupières, je suis déjà sur les deux bêtes, côte à côte. Mes deux bras bougent simultanément, et mes deux poings frappent. Si elles n'étaient pas mortes à cause du choc, le feu où elles tombent finit la tâche.
  La lassitude me parcourt les membres. Oui, cette pratique n'est pas sans prix. Je me redresse, et me tourne vers l'autre affrontement. Alnia est là, droite, et à ses pieds se trouve un corps immobile. Lorsqu'elle lève les yeux vers moi, je vois que son visage est couvert de larmes.
  _ Viens!
  Je lui tends une main. Il faut que nous sortions d'ici! Le feu va nous dévorer comme la paille qui lui a donné sa grandeur.
  Je la vois hésiter entre ses larmes, puis, alors que j'ai l'impression qu'elle va s'effondrer, elle s'avance vers moi et prend ma main. Sa peau est douce, mais sa poigne est molle. Brisée.



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  Bon bah voilà, un de plus. Y'avait un peu de sang aussi, vous avez vu? On va avoir maintenant quelques révélations dans la chapitre suivant. Du moins, je pense, c'est pas certain. Je sais jamais comment va finir un chapitre que je commence, c'est un peu lui qui décide!

  Merci à tous pour vos coms, il n'y a pas à dire, être lu, ça motive!

  Xan

3 commentaires:

  1. J'adore le mot de la fin "Brisée"... Et j'ai hâte de découvrir le lien qui unit les créatures et Alnia!!! Vivement le chapitre 10!

    Boulette

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  2. Oui, c'est sûr, être lu motive!! Et moi, j'adore les auteurs motivés qui postent régulièrement des chapitres ^^ Ah bah voilà, j'ai rattrapé mon retard, snif, faut que j'attende comme tout le monde maintenant?

    Super scène de combat, le pauvre Dirac est de plus en plus amoché à chaque combat.

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  3. Mmh, Alnia serait-elle une magicienne qui aurait créé ces créatures et perdu tout contrôle sur elle ? ( le monstre de Franck Einstein ne m'a pas DU TOUT inspiré !!!! )
    Alors apparemment il y aurait des mâles et des femelles, alors ils seraient capable de se reproduire peut-être ? Ma théorie restait sur celle du Loup-Garou, mais finalement c'est peut-être une race parallèle à celle des humains qui ne "contaminent" pas ...
    super chapitre qui ouvre une autre possibilité =)

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