Ici, vous trouverez Trio, un roman de Xan, qui fut publié entre janvier et mars 2010 sur www.xantate.com


dimanche 31 janvier 2010

Trio - Chapitre 3

    Plus tôt que prévu, le chapitre 3, on y avance! Bonne lecture!


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  Le marché aujourd'hui est au plus calme, comme je ne l'ai jamais vu. Les étalagistes ont beau essayé de crier les mérites de leurs produits, de telle ou telle récolte, d'un tissu particulier, ils manquent d'entrain. Et de l'autre côté des stands aussi, on ne parle pas beaucoup, on achète, on remercie du bout des lèvres, et on détourne le regard. Les discutions qui ont lieu sont tournées vers un unique sujet, et seuls les enfants font preuve d'un véritable dynamisme. Moi même, je me sens affecté par cette ambiance oppressante. De plus, mon compagnon restant silencieux, je ne fais que hocher la tête lorsqu'on me salue, de temps en temps.
  J'accompagne Elto, l'homme qui s'occupe de l'entretien de notre maison, qui en assure la cuisine, les affaires courantes. Un homme grand, aux cheveux gris clair maintenant, que j'ai toujours connu, qui fut notre seul soutien lors du décès de nos parents. Un soutien très spécial, uniquement par sa présence rassurante, car il reste éternellement silencieux. Mon père m'a dit un jour que certains hommes naissaient sourds, d'autres aveugles, d'autres muets. Et que certains décidaient de le devenir. C'est le cas d'Elto. J'en ignore la raison, mais alors que mes parents étaient encore jeunes, du jour au lendemain, il n'a plus prononcé une parole. Cela ne l'a pas empêché d'effectuer sa tâche toutes ces années, et bien plus d'ailleurs. Je ne lui ai jamais demandé pourquoi ce choix, et par respect pour lui, jamais je ne le ferai.
  Nous achetons des légumes, quelques fruits qui poussent dans la région, un morceau de viande de bonne taille. Il y a quelques poissons provenant de la rivière non loin, mais nous préférons pêcher nous même plutôt que d'en acheter. Nous ne sommes pas dans le besoin, mais nous excluons le luxe. C'est moi qui porte et Elto qui achète, se faisant comprendre par des gestes précis. Chacun de ses mouvements expriment qu'il est en plus un guerrier, un homme capable de se défendre, et de défendre les personnes sous sa protection. Je ne l'ai jamais vu se battre ou s'entraîner cela dit, ce ne sont que des suppositions. Mais je sais, ses muscles secs et bien définis, sa tenue corporelle. Tout me crie qu'il a suivi les enseignements de notre école, sans doute sous la tutelle de nos grands-parents, ou peut-être en même temps qu'eux, avec la génération précédente comme maître.
  Je regarde tout autour. Ce matin, la ville a mauvaise mine. Les maisons de pierre inégale semblent branlantes, les gens sont habillés de vêtement ternes, tous identiques, au tissu grossier et sale. L'hygiène est déplorable, et l'odeur dans le marché n'invite pas à l'achat. Que se passe-t-il? J'ai du mal à croire qu'un seul évènement peut provoquer une telle onde de choc sur une culture. Je suis déjà allé dans une autre ville, plus grande, une cité de plusieurs milliers d'habitants, avec des remparts de défense, une milice de guerre, de grands bâtiments si hauts qu'on ne peut les escalader. Dans cette ville, j'ai vu des gens fortunés possédant des richesses suffisantes pour entretenir un royaume et le dédain des animaux-rois, et des personnes si pauvres que personne ne veut les voir, qu'ils se nourrissent de rongeur et meurent dans la crasse des ruelles boueuses. J'y ai vu des fanatiques d'un culte se flageller en pleine rue pour expier les crimes des hommes, et des guérisseurs torturer des inconnus avec des outils aussi sales qu'absurdes. Je suis revenu chez moi, et je n'ai plus eu envie de partir de ma ville natale. Ville que je ne reconnais que difficilement ce matin.
  Le reste de la journée est aussi terne que son commencement. Après mon cours, durant lequel moins de personnes sont venues, et que j'ai eu bien du mal à faire se concentrer, refusant presque au début de s'affronter les uns les autres, j'hésite à sortir pour ma baignade habituelle, seul. Après deux heures d'entraînement, mes élèves ont fini par dépasser leurs appréhension, et c'est ensemble qu'ils sont partis et ont regagné leurs habitations, ne souhaitant pas braver la Lune en solitaire. Je suis resté quelques instants planté devant la porte, la main sur le bois, des frissons me m'immobilisant. Lorsque j'ai réalisé que j'agissais comme le reste de la ville, attitude que je condamnais malgré moi, et contre laquelle je voulais lutter, j'ai poussé la porte, et j'ai affronté l'extérieur.
  La nuit est fraîche et le ciel est sombre. Toutes les maisons sont éclairées et j'entends les voix rauques des hommes raisonner plus que nécessaire, comme pour s'excuser du silence de la journée et prouver que la peur n'a plus de prise, une fois dans le confort de son sanctuaire. J'ai du mal à sourire. Concrètement, rien n'a changé, et potentiellement, la cause du meurtre est quelque part, peut-être loin, peut-être à quelques mètres.
  Mais je refuse de me laisser restreindre! Au lac, comme la veille mais pour d'autres raisons, je suis seul. Là, je n'entends plus les bruits de la ville. Je me retrouve torse nu, et je plonge dans le lac. Voilà qui me plaît! Quelques soient les problèmes, les soucis, c'est toujours une chose qui m'a libéré l'esprit et dénoué les muscles. Je fais des allers et retours, plus que la normale. Serait-ce pour braver ma peur? Lorsque je finis par sortir de l'eau, la nuit est bien installée, et je commence à avoir sommeil. Mon ventre se tord dans tous les sens, et j'ai comme envie de vomir. Je sais que je n'aurais pas du rester aussi longtemps, et que je ne suis plus tout à fait seul. J'ai regardé partout autour, discrètement, lorsque j'émergeais du lac, mais je n'ai vu personne parmi les ombres. Je sens que l'on m'observe, je sais que les intentions ne sont pas amicales.
  Lorsqu'un cri matérialise mon instinct, je comprends que je n'étais pas la cible directe. A vingt mètres, sur la rive du lac, une masse noire s'écroule à demie dans l'eau. Une seconde masse noire s'avance sur elle. Je n'arrive pas à distinguer, il fait trop noir, mais je me précipite. La première masse, une femme de toute évidence, crie à nouveau. Son agresseur ralentit sa course, et... siffle tout autant que grogne à son encontre. Sa forme est humanoïde. La femme recule mais avant que je n'arrive sur eux, l'ombre lui saute dessus et la femme se tait immédiatement. Cinq secondes plus tard, je suis assez proche pour voir. La femme ne bouge plus, une flaque plus sombre que l'eau s'étend dans le lac. La deuxième masse se tourne vers moi, grogne violemment et me frappe à la poitrine. Je n'ai pas vu le coup, mais je me retrouve dix mètres plus loin, à genoux, comme si un tronc d'arbre m'avait heurté le torse. J'ai pu voir le visage, et il n'est que partiellement humain. Des yeux rouges ressortaient dans le noir, des crocs dépassaient de sa bouche, et des cheveux, il ne restait qu'une masse flottante. Un homme-animal.
  Lorsque je me redresse, je le vois penché sur la femme, les crocs plantés dans son cou, dévorant avidement la chair, le sang se répandant partout, dénaturant l'eau. L'instant suivant, je me jette sur eux. Je sais que je suis en danger, et c'est un sentiment nouveau, qui me fouette les nerfs et me pousse à agir. Ne sachant pas face à quoi je me trouve, mais conscient qu'une créature capable de dévorer une personne est plus qu'un réel danger pour moi, je décide de frapper sans aucune modération. En quatre enjambées, j'y suis, et la créature tout à son repas ne m'a pas remarqué. La femme est morte, c'est une évidence, je n'ai plus à me soucier de la sauver. Lorsque mon pied plonge jusqu'à la cheville dans l'eau, je saute en avant, et je frappe du genou la créature au flanc, de toutes mes forces.
  Elle est balayée et roule sur l'eau puis le sol. Elle n'avait pas lâché la femme, et elle est entraînée dans le mouvement, jusqu'à finir abandonnée entre nous deux. Le corps est mutilé, la nuque partiellement dévorée, la tête formant un angle improbable avec le torse. Très semblable à l'homme de la veille.
  La créature semble reprendre ses esprits et se tourne vers moi, à quatre pattes, grognant et sifflant. J'ai la chaire de poule.
  _ Viens! Viens!!!
  Elle enrage, je le sens, et ses yeux rouges brûlent de plus en plus fort. Elle hurle dans ma direction, et des bouts de chair atterrissent dans l'eau non loin de moi.
  _ Viens!!!
  Et oui, je devais m'y attendre, elle se précipite sur moi, autant sur ses deux jambes qu'à quatre pattes, et je vois qu'à la place de ses doigts, ce sont des griffes qui se plantent dans le sol. Je ne dois pas prendre le moindre risque... Elle saute pour me frapper au visage, mais je fais un pas de côté pour l'éviter. Dans l'eau, je me déplace pas aussi rapidement que je l'aurais voulu, et elle me griffe le côté du crane. La douleur me fouette le sang, et je la frappe à la tête d'un coup de poing qui aurait brisé des pierres. Son cri est à percer les tympans, mais elle s'écrase au sol et roule sur quelques mètres. Du sang coule sur ma joue. Elle se redresse alors que je m'avance vers elle. Je l'ai à peine blessée, mais je viens de lui apprendre la prudence.
  Elle reste à quatre pattes et lorsque je m'avance, elle tourne autour de moi pour garder une distance. La douleur de ma tête augmente. Subitement, l'idée de la défaite s'insinue en moi. Je m'immobilise. Grave erreur. La créature lit parfaitement mon langage corporel, et je peux presque voir le sourire qui humanise son faciès. Un léger grognement précède sa charge. Je me recule, et une panique me prend. Je me vois mourir dans les secondes qui suivent.
  Une troisième ombre vient s'additionner à l'équation. Une personne apparaît subitement dans mon champ de vision, et prend place à moins de dix mètres de moi. Immédiatement, la créature arrête sa charge, et se tourne vers le nouvel arrivant. Tout se passe très vite. Mes jambes tremblent. L'ombre nouvelle est silencieuse, la créature grogne, et recule, avant de disparaître dans la nuit. Son image est encore imprimée dans mon oeil et j'ai peur de la voir resurgir. Cela dit, comme si une magie avait été à l'oeuvre, je reprends le contrôle de mon propre esprit, et j'impose à mon corps de ne plus trembler. La douleur de ma tête s'estompe légèrement. Et je me tourne vers la personne qui vient de me sauver.
  _ La peur est une arme à part entière pour elle...
  La voix est féminine.
  _ Tu n'es pas en mesure de la tuer. C'est un adversaire sauvage, et non un partenaire d'entraînement.
  Et ce que je connais cette voix? Je ne crois pas... Et ce visage, caché par les ombres... Lorsque je m'approche, la femme se tourne et s'enfuit, bien trop rapidement pour que je puisse réagir. Je reste planté les pieds dans l'eau, et lorsque la douleur parle un peu trop, je décide de rentrer, vidé de toute mon énergie. Je ne réalise que plus tard que j'ai laissé la femme morte derrière moi.

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Alors, alors, alors?

Le rapport direct entre la créature et Mister Héro est établie, et puis nous avons des joueurs secrets. Je commence à bien m'amuser avec cette histoire, logiquement les posts devraient s'enchainer tous les trois-quatre jours maxi. Elle restera roman court par contre, je ne compte pas surajouter des éléments pour alourdir la chose.



Xan

3 commentaires:

  1. géniaaaaaaaaaaal c'est peut-être un Loup-Garou ?!!!!!! j'adore les Loup-Garou <3
    j'arrive déjà mieux à me situer, je préfère ^^ le décor est planté et le danger aussi, moi aussi j'adore de plus en plus
    ...
    bon allez, pas besoin de signer, tu sais que c'est moi =)

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  2. Oh, non! Savoir que ce sera du roman court me frustre d'avance alors que tu manies si bien la complexité!
    Je préfère ne pas poursuivre.
    ...trop tard, je me demande déjà qui est cette fameuse femme...surtout ce qu'elle est...?!
    Vite, vite!;)

    Nani

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  3. Ah, l'intrigue se précise de plus en plus et y a de l'action ! C'est super parce que les tâches quotidiennes se lisent tranquillement avant d'être plongé au coeur de l'action. Tu manies vraiment les deux.

    Finalement, il y réfléchira à deux fois avant de retourner se baigner. C'est glauque par contre la dernière phrase. MDR


    C'est la fille du début ? (désolée, j'ai du mal avec les prénoms et je m'étonne même de me souvenir de Dirac-_-').

    J'ai hâte de lire la suite mais je vais me coucher. Bisous.

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