Ici, vous trouverez Trio, un roman de Xan, qui fut publié entre janvier et mars 2010 sur www.xantate.com


jeudi 18 février 2010

Trio - Chapitre 10

  Wouah! Le 10ème déjà! En route!


------------

  _ Qui es-tu exactement?
  _ Alnia.
  Nous sommes dans la forêt. Lorsque je lui ai pris la main dans la cave, je l'ai entrainée vers la sortie. L'escalier que j'avais emprunté était inaccessible, si bien que nous avons pris la deuxième sortie que j'avais découverte un peu plus tôt. Elle donnait directement sur l'extérieur, par une porte de grange, celle que les créatures empruntaient pour se déplacer. J'avais eu raison, le sous-sol courait sous plusieurs maisons, et elles flambaient déjà avec force. Alnia était tombée à ce moment là. La chaleur, l'émotion peut-être, je ne saurais dire. Je l'ai soulevée dans mes bras et l'ai portée au loin. Loin du brasier, loin des personnes qui sortaient de chez eux pour regarder, au mépris du potentiel danger des créatures, loin des possibilités macabres que sa présence signifiait... Mes blessures m'avaient fait souffrir un temps, et puis progressivement elles s'étaient engourdies. Je n'arrive même pas à m'en inquiéter.
  La nuit est déjà tombée depuis plusieurs heures lorsqu'elle se réveille. Je me suis assis dos à un arbre, et pour qu'elle n'ait pas froid, je l'ai placée contre moi, dans mes bras. Je n'ai pas réussi à me calmer vraiment, et à trouver le sommeil. Je voulais la veiller autant que possible. J'ai senti son rythme cardiaque s'accélérer, et j'ai su qu'elle était réveillée avant même qu'elle ne bouge. Et je lui ai posé la question qui me brulait les lèvres, à laquelle elle confirmait sa réponse.
  _ Je suis Alnia.
  Ses cheveux sentent la fumée, mais leur senteur naturelle est présente derrière, et je pourrais passer la nuit contre elle ainsi, et une partie de ma vie.
  _ Je connais ton nom... Mais il ne te définit pas.
  _ Mon nom est la seule chose que je connais de qui je suis.
  _ Je ne comprends pas...
  J'ai envie de savoir, de comprendre, mais j'ai peur de ce que je peux découvrir.
  Elle garde le silence pendant longtemps. Tant que je sais qu'elle ne répondra pas à ma question.
  _ Est-ce qu'il reste d'autre créature?
  Elle se raidit, et au bout d'un moment, elle est parcourue de quelques sanglots discrets.
  _ Oui... Deux autres...
  J'ai vraiment peur...
  _ Sais-tu où elles sont?
  _ Oui...
  Je la serre un peu plus fort contre moi, profitant des derniers instants de ce contact intime. Je sais que trop tôt, il va disparaître et laisser place à... autre chose...
  _ Dis-moi...
  _ Je veux te demander de les laisser... Ne les tue pas... Je t'ai déjà offert l'une d'elle de mes propres mains. S'il te plait, ne me prends pas plus... Je ne veux pas choisir...
  Je savais qu'elle était liée directement à ces démons, mais que sa voix mélancolique, douce, triste et suppliante me le confirme est une autre chose. Je me raidis, je le sais, mais je la serre encore un peu plus. Ses mains sont posées sur mes bras, et elle aussi me serre en retour.
  _ Je ne peux pas laisser de monstres en liberté. S'ils tuent, et c'est le cas, je dois protéger ma ville.
  _ Ce n'est pas leur faute! Ce sont des hommes et des femmes qui ont changé, qui ont faim... Tu n'imagines pas ce que la faim représente, celle qui te dévore elle-même, qui te rend fou, qui a une vie propre et ne supporte aucune contradiction.
  Tu en parles trop bien Alnia. Tu te trahis...
  _ Et toi, tu la connais?
  _ Oui...
  _ Mais tu n'as rien d'une de ces créatures.
  _ Mon corps n'a accepté qu'une partie de la déformation. Mon frère n'a pas eu cette chance.
  Un torrent de glace me remonte le long de la colonne vertébrale.
  _ Ton frère?
  _ Celui dont tu as pris l'oreille.
  _ Que tu as tué?
  Elle ne répond pas. Elle n'a pas à répondre. Elle en a dit beaucoup, et trop peu. Tuer son propre frère? C'était un animal, une créature dangereuse, qui tuait des êtres humains pour se nourrir. Mais son frère tout de même...
  _ Qui était les deux autres?
  D'une certaine manière, j'ai envie de savoir, même si je sais que la réponse sera dure. Mais j'ai envie de porter une partie de son poids. Est-ce que je me donne bien trop d'importance?
  _ La femme était sans importance.
  Et elle ne continue pas. Est-ce que je dois insister? Ai-je ce qu'il faut pour supporter la pression de ce qui va suivre?
  _ Et... La créature mâle?
  Elle se penche en avant. Là, elle pleure. Mais je me penche pour l'accompagner. Je ne veux pas la laisser.
  _ Mon père...
  Non!!! Son père? Ce n'est pas possible... Son frère, son père... Qu'est-il arrivé à sa famille pour que ses membres soient détruits de la sorte? Je me raidis mais ne la lâche pas. Non, je ne te lâcherais pas, jamais si tu le veux.
  _ Je suis désolé...
  Quelques minutes passent sans une parole, puis, lentement, elle hoche la tête.
  _ Tu as fait... Ce que je n'ai pas la force de faire. Je ne peux pas. Me retrouver seule. Je ne connais que ça. J'ai été élevée comme ça. Que me reste-t-il?
  Je ne sais pas quoi répondre. Elto, qu'est ce que tu aurais répondu, toi? Comment ton silence aurait-il exprimé tes sentiments?
  _ Je ne comprends pas bien. Mais je suis là...
  Cette fois, c'est son corps tout entier qui bouge. D'avant en arrière, les muscles tendus.
  _ Tu ne sais pas ce que tu dis. J'ai tué moi-aussi. Nous parlons maintenant, mais dans quelques instants, tu pourrais avoir envie de me tuer, de me traquer parce que je suis un monstre. Et la faim... La faim!
  Elle crie presque ce mot avant de reprendre plus calmement.
  _ La faim est une chose contre laquelle on ne peut pas lutter. J'ai essayé, mais je n'ai pas toujours gagné. Seule, je n'y arriverai pas.
  _ Seule, tu n'es pas seule...
  _ Si. Toujours. Je ne peux pas me permettre de m'attacher. Nous passons de ville en ville. A chaque fois, nous laissons des morts. Je ne peux m'attacher à qui que ce soit.
  _ Mais pourquoi... M'avoir parlé? Qu'importe! Avec moi, tu pourras ne pas être seule. Je suis fort, j'ai moi-même un démon à l'intérieur de moi. Je peux lutter contre le tien, avec toi.
  Elle se colle un peu plus à moi, comme si elle se laissait aller.
  _ Oui... J'ai senti le monstre que tu as sous chaines. C'est peut-être pour ça que je t'ai approché. Tu es fort, tu as de la violence contrôlée. Je n'aurais jamais cru à ce point. Et hier, je l'ai vu en action. Plus forte que moi sous cette forme.
  Je suis mal à l'aise, j'ai peur aussi de ses paroles et de ce qu'elles pourraient signifier. Mais je crois dur comme fer à ce que je lui dis.
  _ Toi et moi. On peut atteindre une balance. Je peux te retenir.
  _ Peux-tu me nourrir?
  Son ton de voix est presque amusé. Que veux-tu dire par là?
  _ Si je te retiens, tu n'auras pas à te nourrir.
  Elle n'est pas d'accord, je le sens.
  _ Je devrai me nourrir, et tu n'es pas prêt à payer ce prix.
  _ Je serai prêt à payer n'importe quel prix.
  Elle s'écarte de moi et me fait face. Son visage est plus sérieux que je ne l'ai jamais vu.
  _ Serais-tu prêt à te laisser mordre? A ce que je te mange la chair, que j'absorbe ton sang, et que tu deviennes l'un de ses démons que tu cherches à détruire?
  J'ai froid. Et elle continue.
  _ Serais-tu prêt à prendre le risque de tuer parce que la faim pourrait gagner, et gagnera?
  Je réponds sans réfléchir.
  _ Oui. Je suis fort, tu le dis toi-même. Je peux lutter contre!
  Elle me sourit tristement. Et elle attaque avec une arme dont je ne me doutais pas l'existence.
  _ Toi, oui. Oui, nous pouvons nous nourrir d'animaux lorsque la faim sera là. Oui, nous pouvons nous occuper l'un de l'autre. Oui, tu es fort, et moi aussi, puisque je n'ai pas cédé complètement. Mais... Me fais-tu confiance? Serais-tu prêt à me faire confiance aveuglement? Serais-tu prêt à tuer ton frère avant qu'il se transforme, parce que je te le demande?
  Je me recule. Je sens mon esprit se geler et mes lèvres remuer d'elles-mêmes.
  _ Mon frère? Pourquoi?
  _ Il a été mordu. Il est condamné.
  _ Mais... Il peut résister.
  _ Non. Il n'a pas ce qu'il faut pour résister. Je l'ai vu mille fois déjà. Mais, cette fois, un démon allié à un homme de sa force sera plus que ce que même toi pourrait stopper. Il faut le tuer avant la transformation.
  _ Mais... Il doit y avoir une autre solution.
  Elle se lève. Quelque chose me dit que ce n'est pas la réponse qu'elle voulait, bien que ce soit celle qu'elle attendait.
  _ Il n'y a pas de solution. Il doit mourir.
  Je me lève à mon tour. Nous nous faisons face, et un mur se construit à toute vitesse entre nous.
  _ Qui sont les deux autres créatures? Où sont-elles?
  Son regard se fait plus dur et elle recule de quelques pas.
  _ Ton frère est plus dangereux. Tu me parles de m'aider, de nous entraider, de me soutenir, mais tu n'écoutes pas, et tu ne respectes pas mon souhait.
  Je m'approche d'elle. Je ne veux pas l'écouter me dire que mon frère est un monstre en puissance, qu'il va s'élancer dans la ville pour se nourrir.
  _ Dis moi où elles sont.
  C'est un ordre, et malgré moi, mon corps exprime la violence, le moment où il se met en position pour passer à l'action. Elle, elle recule une fois de plus. Et son corps exprime la même chose que le mien.
  _ Tu ne comprends donc rien. Tu n'as pas compris ce que je t'ai dit. Ta force ne te donne pas le droit de choisir. Il faut appliquer à tous la même justice. Mais si tu n'es pas capable de le faire, je m'en chargerai.
  Oh... Je comprends tout à fait ce que tu dis. Mais tu ne toucheras pas à mon frère. C'est une promesse. Tu veux t'imposer par la force? As-tu oublié à qui tu avais à faire?
  Une malaise naît immédiatement en moi et ma raison hurle. Pourquoi??? Pourquoi cette situation? Quel sens a-t-elle?
  Elle sourit, et ses yeux changent de couleur, deviennent rouge sang. Son faciès se durcit, des veines deviennent apparentes. J'ai l'impression qu'elle perd quelques centimètres devant moi, et que sa masse musculaire augmente. Sa bouche s'ouvre sur des crocs, et ses mains se crispent, dessinant des griffes. Elle ne ressemble pas encore à une créature comme les autres, mais c'est comme si elle était à un stade intermédiaire.
  _ Oui... J'ai cette faculté... Je te ferais entendre la raison, par la force s'il le faut. Je te veux, et suis prête à en payer le prix. Mais tu as un sacrifice à faire de ton côté également.
  C'est sa voix, modifiée, sauvage, violente, et la voir comme ça est aussi révoltant, repoussant, qu'excitant. Tu veux me combattre une fois de plus?
  _ Viens!!!
  Je suis en position de garde. Je sais que je dois me méfier. Elle me fait peur. Elle est dangereuse. Elle me sourit, tant que je ne le supporte pas. J'ai envie de l'embrasser, et de laver cette créature afin de retrouver la pureté de sa beauté.
  _ Je te veux, Dirac. Toi, viens me prendre!
  Ainsi soit-il. Trois enjambées, je suis sur elle. Mon poing ne fend que l'air. Elle a glissé sous moi, et ma cuisse souffre subitement d'un coup violent. Je baisse mon bras pour reprendre l'avantage. Je tombe un genou au sol. Cette fois, c'est mon dos qui est touché, et la douleur de la griffure revient dans toute sa splendeur. Je me retrouve sur le ventre, un poids me maintenant au sol. Un souffle vient me caresser l'oreille et la joue.
  _ Mon guerrier... Tu ne comprends pas... Tu vois avec tes yeux, tu frappes avec tes mains, tu es limité...
  Ainsi soit-il. Je crie, et me relève. Ne me sous-estime pas! Elle est projetée plus loin, mais atterrit à quatre pattes. La colère me ronge la poitrine. Non, mon démon, tu ne sortiras pas! Je plonge sur elle, et elle ne bouge pas. Je ruse et amorce un coup de poing. Elle ne bouge toujours pas. Lorsqu'au dernier instant c'est de mon genou que je frappe, elle bloque de ses deux mains. Sans que j'ai le temps de réagir, elle m'attrape un bras, prend appui sur mon genou pour sauter par dessus moi, et je me retrouve à terre, le bras tordu en arrière, une main sur la nuque plaquant mon visage au sol.
  Je crie mais je n'arrive qu'à faire rentrer de la terre dans ma bouche. Je tousse et crache, impuissant.
  _ Vas-tu m'aider? Si tu m'aides à tuer ce frère qui n'est plus le tien, je t'aide à traquer la mère qui est mienne.
  Ta mère? C'est l'un des derniers démon?
  _ Ne touche pas à mon frère!
  La pression s'amplifie, et l'articulation ne tiendra pas plus.
  _ Je suis désolée, je n'ai pas réussi moi non plus à avancer. Mais avec ton aide... Je dois te libérer en premier.
  Je sens un choc à l'arrière de mon crâne, et immédiatement, un engourdissement se répand dans mon esprit, ma vue se brouille, et je me sens partir. Le contact de ses lèvres sur les miennes et la seule chose qui m'accompagne dans le noir.



----------

  Bon, bon, vous en avez quelques réponses maintenant hein? Mais ne vous inquietez pas, vous êtes loin de tout savoir pour autant. Et en plus, je suis du genre à pas donner une histoire clés en main, alors soyez prévenus!

  Vous en pensez quoi de l'évolution de leur relation?


  Bonne journée à tous!



  Xan

3 commentaires:

  1. AHA !!!
    Donc c'est son frère qui va se transformer ( donc c'est bien un principe de Loup Garou !!! ^^ ) maintenant, reste à savoir s'il va résister a la transformation, si oui ça changerait encore la fin ( enfin le prologue ^^ ) parce que s'il n'y résiste pas, ça veut dire que leur soeur va se faire mordre aussi ? ou bien se sera Dirac ... AH !!! j'sais pas
    La pauvre Alnia quand même, c'est pas de chance, toute sa famille !!

    RépondreSupprimer
  2. Je suis trop fatiguée pour dire tout ce qui me passe par la tête mais c'est waouh !

    La relation entre Alnia et Dirac évolue unnpeu trop rapidement, il veut tout faitre pour elle alors qu'elle est dangereuse et qu'il le sait et surtout qu'il la connait à peine. J'aime pas trop ce genre d'amour enflammé en quelques secondes même si je comprends ce que tu veux faire, leur amour est subtil et en même temps violent. Et peut-être qu'il se reconnait en elle aussi, qu'il la rassure ave leur monstre en eux.

    J'espère que Dirac va arriver à temps pour sauver son frère. Je pense parce que je ne crois pas que ce soit tout de suite qu'il meurt.

    A très vite pour la suite !

    RépondreSupprimer
  3. Tout dans la relation passionnelle-fusionnelle, qui s'inscrit rarement dans le temps et présage d'une fin funeste.
    Très excitant tout ça, je dois certainement me répéter.
    Je suis fan de ce style qui parvient à lier un rythme et une simple tournure de phrase à une émotion (voire sensation) directe et subtile à la fois.

    Mais d'où remonte cette malédiction abattue sur cette famille??!

    Nani en transe

    RépondreSupprimer