Ici, vous trouverez Trio, un roman de Xan, qui fut publié entre janvier et mars 2010 sur www.xantate.com


jeudi 25 mars 2010

Trio - Chapitre 17

  On avance, on avance tellement que l'histoire entame ses derniers chapitres
  Bonne lecture!!!

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  Une fois qu'on a pris goût à quelqu'un, à une situation, on ne veut pas les perdre. Je suis seul, désormais. Ma famille est morte, ma compagne... Partie. Mon démon? Je ne le sens plus. Quoi qu'il ai été, il est manquant. Il m'a offert une chance de vie supplémentaire. Je crois qu'il s'est sacrifié pour moi, qu'il s'est fondu en moi au détriment de sa propre existence. Je suis plus fort, je crois, encore, mais je suis seul.
  Assis en tailleur dans cette grotte qui a vu ma mort et ma renaissance, je m'assure que je ne suis plus en danger, autant que possible. En un recueil intérieur, je cherche le poison, mais n'en trouve pas trace. Je sens un vide, non pas physique, mais comme une sorte de noirceur, d'élément manquant, impalpable et blessant. Mon démon, son absence. Et plus loin encore, Alnia, son abandon, a provoqué une douleur, une langueur, une tristesse. Je vois ce vide, un peu étranger, un peu faible, un peu indifférent. En fait, je ne me laisse pas aller, pour l'instant. Ma compagne, celle qui fut ma compagne de quelques instants, est quelque part. Elle m'a abandonné, elle ne m'a pas offert la mort lorsque j'en avais besoin, alors qu'elle ne pouvait se douter que je serais capable de m'en sortir. Je ne sais pas si c'est la peur qui la motivait, la folie... Qu'importe, maintenant. Elle est quelque part dans ce monde, pas très loin pour le moment, mais elle va s'éloigner autant que possible. Peut-être que je chercherais à la retrouver. Son mal doit s'arrêter en même temps qu'elle. Sa mère aussi devra mourir.
  Mais pour l'instant, ici, il y a mes jumeaux. Ils peuvent transmettre le poison, ils sont des dangers, c'est mon rôle de les supprimer, enfin. De plus, ma sœur porte toujours en elle une atrocité. C'est mon devoir, en tant que dernier membre de la famille Gina de régler ce problème. Ensuite, je ne sais pas.
  Je projète mon esprit hors de mon corps. Pour tuer Fiana et Jiono, je dois les trouver. Mon esprit sort de la grotte et s'envole, plantant au dessus de la foret. La nuit est là, bien installée. Je ne sais pas du tout depuis combien de temps je suis ici. La ville est proche, et elle est bouleversée. Une multitude de couleurs danse sur elle. Je comprends vite que c'est signe de chaos. Je fais abstraction de ces manifestions qui m'empêchent de bien voir, et je plonge dans les rues, au plus près, pour en apprendre plus. Le spectacle n'est pas beau.
  Des ombres circulent, et se penchent sur des sources de lumières, signe d'être vivant. Lorsque l'ombre s'écarte, elle laisse derrière elle un nouvelle ombre. L'épidémie se propage à toute vitesse, le poison coule dans les veines même de la ville maintenant, et bientôt, chacun de ses membres sera démon. Jiono? Est-ce ton œuvre? Que cherches-tu à faire? Je ne vois pas Fiana faire ça... D'autant plus avec la scène de son cours où tous ses élèves avaient été tués. Non, son attention est absorbée par son...enfant. Mais Jiono, lui a soif de pouvoir. Oui, cela doit être ça. Il veut monter une armée? Une folie de plus... Comment t'arrêter?
  J'élève mon esprit au plus haut, et je survole la ville. Toutes ces ombres m'empêchent de voir ceux que je cherche, mais le chaos multicolore peut m'aider. Naturellement, je me tourne vers ma maison, et là je vois qu'il s'agit de la source de tous ces flots, comme le point de départ d'un millier d'arcs-en-ciel qui se mélangent les uns aux autres en un torrent gigantesque. Et cette source est noire comme le néant. C'est là, cela ne peut être que là. Ils ont pris refuge dans leur ancienne maison, dans la maison de ma famille, l'un de seul vestige de son existence. Non... Pour être tout à fait exact, ils n'ont pas pris refuge, prendre refuge voudrait dire avoir peur, fuir quelque chose. Pour l'instant, ils ne fuient rien du tout, ils n'ont pas conscience que je suis encore là, et que je vais venir pour eux, pour les détruire, pour apporter la paix de la mort à leur hôte détruit.
  Je me relève, et j'ouvre les yeux. Mon corps est rétabli, plus fort que jamais. Je sais que je suis capable de les affronter tous les deux, et de les tuer. En même temps, si nécessaire. Je m'approche de la rivière avant qu'elle n'arrive au lac, et je bois, m'asperge d'eau le visage. Mes vêtements sont secs, mais de grandes taches rouges, mon sang, les colorent encore. J'enlève mon haut, et c'est torse nu que je remonte le chemin vers l'extérieur.
  Ma marche dans la forêt n'est troublée par aucune présence autre que la mienne. Mais lorsque les arbres laissent place aux premières maisons, l'atmosphère s'alourdit. De la ville s'élève fumés, odeurs de violence, cris, et hurlements. C'est un paysage que je ne pensais jamais voir, mais il faut se rendre à l'évidence, la ville est meurtrie, perdue. Peut-être qu'avant la tombé de la nuit, une fraction seulement de ses habitants était touchée, mais avant le levé du soleil, il ne devrait plus rester qu'une poignée de survivants, qui pourront sortir et fuir, tandis que les bêtes dormiront dans les caves, les grottes, les ombres. Durant cette journée, il faudra tout bruler.
  Moi, je compte voir l'aube, et ensuite, je pourrais dormir, autant que je le veux. Cette journée n'en fini pas... Lorsque j'ai laissé Alnia, je ne pensais pas que mon cœur s'arrêterait. Mais je ne peux pas stopper tant que je n'ai pas fini.
  Mon arrivée est accueillie par deux créatures, des humains portant encore des vêtements, mais que le poison a changé en bête alors qu'ils étaient trop faibles pour garder leur conscience. Je réalise à quel point je suis plus fort lorsque je parviens à les tuer en quelques gestes. Mon poing s'enfonce dans la poitrine de l'un, et l'autre, je lui brise la nuque. J'ai du sang partout sur l'avant bras, mais au delà du dégout, je sais que ce sang empoisonné ne peut plus m'affecter. Je poursuis mon chemin, une confiance nourrissant mes muscles.
  Je ne compte pas le nombre de créature qui m'ont attaqué avant que j'arrive devant ma maison. J'ai laissé derrière moi un sillon de corps. Je ne les ai certainement pas tous tués, et au final, cela ne fera pas beaucoup de différences. Mais dans un certain sens, j'ai peut-être donné une chance à quelques vivants... Devant la maison, un spectacle macabre m'attend. Pendu à un arbre à l'aide d'une corde attachée à ses poignets, Elto, ou du moins son corps, tourne doucement sur lui-même. Son torse est lacéré de griffures, coupures. Ses tortionnaires se sont acharnés sur lui. Aucune des bêtes n'aurait eu l'esprit à le soulever et l'attacher de la sorte. Il ne reste que peu d'individu qui en soit capable. Mais pourquoi? Je m'approche au plus près, escalade rapidement l'arbre et détache la corde. Le corps tombe mollement au sol. Je ne peux pas faire grand chose pour toi, Elto, je suis désolé. Je l'inspecte rapidement. Oui, il a été mordu. Mais... Il ne s'est pas transformé. Notre vieil ami, celui qui nous a soutenu, nous et nos parents, n'était pas du genre à se laisser prendre par la folie. Je souris, je ne peux m'en empêcher. J'aurais aimé lui dire au revoir, au moins, et le remercier. Je le soulève et le porte sur mon épaule. Il n'est pas léger, mais je ne suis pas faible. Je m'avance vers la maison. Personne ne m'attend devant la porte, et lorsque je l'ouvre d'un coup de pied, personne n'est derrière. Je referme la porte, et je pose Elto au sol. Ici, aucune bête ne viendra pour dévorer ta chair, tu peux te reposer en paix, toi qui était si droit et fort qu'aucun poison ne pouvait t'atteindre. Je t'honorerais après, une fois que j'aurais restauré la paix dans cette maison.
  Je sais où je dois aller. Je peux sentir les deux individus qui sont là, qui attendent. Mais quels sont leurs plans, exactement? Fiana est concernée par son enfant, et Jiono vont conquérir le monde? Est-ce que cela serait si simple que ça? Tout bon sens brisé, les retenues oubliées? Que reste-t-il de mes jumeaux en eux? Uniquement le mal? Je connais déjà cette réponse, j'en ai bien peur. Fiana oui, je l'ai vu de mes propres yeux, et Jiono... Également, j'ai pu le constater, mais je ne l'ai pas revu depuis... Lorsque ma main est sur la poignée du dojo familial, du lieu où nous seuls avons accès, une ombre me traverse l'esprit. Et si... Je ne pouvais pas les vaincre seul? Je suis un peu plus fort que lorsque je pouvais les vaincre simultanément lors de nos entrainements, mais eux maintenant sont beaucoup plus forts qu'ils ne l'étaient. J'ai affronté ce qui reste de ma sœur, et nous avions la même force. Et si...
  Je balaye cette idée en ouvrant la porte. Non. Je ne peux pas perdre et mourir avant d'en avoir fini.
  A l'intérieur, la salle est calme, sauvegardée, éclairée de bien plus de bougies qu'à la normale, tant qu'on pourrait croire que le soleil est haut dans le ciel alors que la nuit est encore bien là. Dans le fond de la pièce, il y a accroché au mur les portraits de nos ancêtres. En temps normal du moins. Là, ils sont au sol, déchirés, détruits. L'autel en leur honneur, qui était installé en dessus, est brisé, piétiné. Devant ce triste spectacle, face à moi, sont fraichement installés deux sièges de bois, en mauvais état. Des sortes de trônes, et assis sur ses emplacements sont mon frère et ma sœur.
  _ Voilà donc notre troisième...
  C'est Jiono qui parle, ou du moins l'entité qui porte son visage. Ses traits se sont endurcis, alors qu'ils étaient déjà secs et carrés. Ses yeux sont dorés, ses dents longues, pointant au delà des lèvres. Il porte une sorte de cape sur les épaules et son torse est exposé. Ses muscles sont tendus, plus prononcés que dans mes frais souvenirs. Un sourire trop inhabituel déforme plus encore son visage. Fiana est à ses côtés. Elle est habillée normalement, mais son visage est impassible, ses yeux or focalisés sur le réel. Les mains posées sur le ventre, elle ressemble à un louve qui protège ses petits d'un prédateur.
  Moi, j'avance vers eux, et je m'arrête à mi-chemin, bien au centre de la pièce. Je les regarde tour à tour, et la tension de mon corps est une invitation claire et nette. Cela dit, ils ne donnent pas l'impression de vouloir réagir.
  _ Je pensais te voir plus tôt, bien que notre sœur m'ait dit que tu étais blessé. Elle m'a avoué t'avoir mordu, et j'espérais que tu viennes vers nous une fois que tu te serais ouvert aux nouvelles possibilités. Je vois que tu as rejeté notre cadeau.
  _ Cadeau... Je vois une malédiction, rien d'autre, mais tu te trouves du mauvais côté mon frère, tu ne t'en rend pas compte.
  _ Et toi qui a peur me fait de la peine... Ensemble, ensemble... Tout aurait pu être possible. Nous n'avons pas besoin de toi, mais notre unité a toujours été une force supplémentaire, tu le sais. Être entouré par sa famille, des personnes à qui tu peux faire confiance aveuglement, cela n'a pas de prix. Diriger un empire à trois, est plus facile qu'à deux. Mais tu refuses, et ne nous laisse pas le choix. Nous dirigerons tous les deux, sans toi. Et toi, tu dois mourir car tu voudras nous en empêcher.
  _ Bien sûr... Je ne suis pas faible pour succomber comme vous...
  Les mots sont durs, et partiellement inexacts, mais la colère pousse à faire des erreurs, et c'est une arme dont je ne peux pas me passer. J'insiste...
  _ Je n'ai pas succombé, donc tu veux me tuer pour ne pas laisser de souvenir de ton ancienne conscience. C'est également pour ça que tu t'es acharné sur Elto, cet homme de bien qui a toujours été pour nous un membre de cette famille, parce que lui aussi a refusé, ne s'est pas laissé séduire par la facilité, a combattu et gagné.
  _ Il a combattu et est mort. Je l'ai tué moi-même. Mais sache malgré tout, c'est son propre cœur qui l'a trahit. Cette force dont tu parles, elle a été sa perte.
  Le sourire qu'il porte m'enrage, et je lutte pour garder le contrôle sur mon visage, pour ne pas trahir mes émotions.
  _ Nous bâtissons quelque chose, Dirac, car nous sommes les détenteurs d'un pouvoir unique. Nous ne sommes plus tout à fait humain, oui, nous avons dépassé ce stade, et nous pouvons construire une empire dont nous serons les guides, les maitres. Notre ancienne vie n'avait pas de valeur, nous n'étions que les survivants d'une famille agonisante. Nous n'avions pas de but.
  _ Vous parlez de bâtir un empire alors que vous ne pouvez même pas faire face à la lumière du soleil? Regardez donc les membres de votre empire... Ils n'ont plus ni conscience, ni raison. Une fois que tous les Hommes seront transformés, ils n'auront plus rien pour se nourrir, ils s'attaqueront entre eux, et tout s'écroulera. Votre empire n'est pas viable.
  Jiono lève une main, et curieux, je le laisse s'exprimer.
  _ Dirac, ne nous prend pas pour des idiots, et toi-même, réfléchis, ne joue pas l'imbécilité. Un empire ne peut exister que dans le conflit. Conquérir le monde? C'est un rêve, mais comme tu le dis, irréalisable. Un empire qui est en paix s'autodétruit. Alors qu'un empire qui a un ennemi, est vivant. Dans un premier temps, nous avancerons, mais les hommes vont se rallier contre nous, et nous opposer une résistance qui créera un équilibre. Comme tu le dis, nous ne pouvons évoluer le jour, et c'est ce qui va permettre d'offrir cette chance aux vivants. Dans le conflit, l'opposition, nous pourrons diriger. Dans cette évolution de l'homme, il y aura toujours ceux qui seront trop faibles pour conserver leur intelligence, et ceux qui garderont une part de leur humanité, la bonne part, la force de la réflexion. Ils seront les dirigeants, les généraux de notre armée, et il y a nous au sommet. Moi. Fiana, nos enfants à qui sera légué cet empire.
  _ Comment peux-tu parler ainsi? Tout planifier, sans même vouloir...
  C'est Fiana qui m'interrompt, et je comprends que nous ne parlons plus le même langage, que nos pensés ne sont plus accordées. J'évolue dans un monde individuel, ils sont maintenant dans un univers tout autre.
  _ Dirac. Tu ne peux comprendre. Tu n'as jamais ressenti de frustration face à notre destin. Tu n'as pas de destin... Tu m'as dit que tu étais le plus fort, mais cette force, mon frère, est au détriment de tout le reste. Tu as refusé notre don, j'en avais peur, et tu as voulu tuer mon enfant. Pour ces deux choses, je ne peux pas te pardonner...
  Lorsqu'ils se lèvent, simultanément, oui, je ressens la peur, car si je n'arrive pas à les arrêter, personne ne pourra le faire. Et je vois d'eux la force sombre, démoniaque peut-être, qui les lie en un bloc de noirceur impressionnant.
  Je serre les poings. Mourir m'est égal, mais, après eux. Je laisse dehors les monstres décérébrés aux humains restants, ma part est de tuer ici et maintenant, le dieu maléfique qui est né de l'alliance de mes jumeaux.


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  Et oui, un chapitre de parlotte, mais c'est normal, il faut bien une raison aux évènements.
  On se rapproche de la fin. Deux chapitres encore, et toc... Mais vous inquiétez pas, je commence déjà à penser à un autre roman pour prendre le relai...

  Xan

1 commentaire:

  1. Mmh on sait déjà comment cette rencontre va se terminer puisque le prologue était focalisé sur la victoire de Dirac sur Jiono et Fiana, mais franchement, je ne m'attendais pas à ça !
    Son frère et sa soeur se sont eux-même intronisés, moi qui pensait qu'ils allaient purement et simplement se transformer en bête, non.
    Dirac ne doit pas seulement achevé des animaux, il doit aussi sauver ce qui reste de l'humanité ( oui, ce qu'il en reste XD )
    Maintenant reste à savoir ce qu'il réserve à Alnia !
    Bisous <3

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