Ici, vous trouverez Trio, un roman de Xan, qui fut publié entre janvier et mars 2010 sur www.xantate.com


jeudi 11 février 2010

Trio - Chapitre 7

  On avance encore!

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  _ Voici la créature...
  J'ai l'impression d'énoncer une telle évidence que je m'attends à quelques rires. Bien entendu, personne ne m'écoute. La nuit est très avancée, nous sommes proches de l'aube. Il a fallu du temps pour réunir tout le monde, le plupart tremblotait chez eux. Nous avons le doyen du conseil, dont je ne connais même pas le nom. Et puis quatre autres personnes que j'ai à peine déjà vues. L'un d'eux est commerçant au marché, l'un de ceux qui élève des animaux pour vendre leur viande, un homme plus jeune par rapport aux membres du conseil qui l'accompagnent.
  Ils regardent tous le corps avec des yeux emplis de soulagement. C'est maintenant que je leur annonce la mauvaise nouvelle?
  _ Elle est bien morte?
  C'est le doyen, qui me demande, et lorsque je hoche la tête, il se tourne vers le commerçant. Doute-t-il de mes paroles?
  _ Allez-y, montrez-nous de quoi il s'agit.
  Le ton est glacial, mais je sens les traces d'une peur contrôlée. L'homme plus jeune s'avance, les torches éclairant son visage blanc comme la neige. Je le vois prendre une profonde inspiration, puis il se met à genoux devant la créature. Il ouvre un sac qui pendait à son épaule, révélant un arsenal de couteaux aux tailles et formes différentes.
  La lame d'un couteau grossier découpe sans mal le devant des vêtements imbibés de sang. La lumière des nombreuses torches ne cache rien. Le torse qui se montre est meurtri, des côtes brisées déchirant la chair en plusieurs points. Une chair blanchâtre, maladive, partiellement poilue. J'entends des cris étouffés. Blessures mises à part, le torse est celui d'un homme. Les muscles, le nombril, la pilosité donc, l'ossature. Le commerçant poursuit son découpage, et bientôt, le corps se révèle intégralement nu. L'un des bras est tordu, l'os ayant été brisé et mal ressoudé. La peau est sèche, les doigts changés en griffes, mais les mains restent humaines. Le sexe est assurément masculin. Je me fixe sur le visage. Le sang de mon frère, encore sur les crocs, a séché. Les lèvres sont violettes, et je vois les veines saillantes sous la peau. Les yeux sont rouges et révulsés, avec des paupières relativement fines. Qui es-tu? Qui étais-tu avant de devenir monstre?
  _ Son visage rappelle-t-il le moindre souvenir à qui que se soit?
  C'est moi qui pose la question, mais je sais que tout le monde ici présent s'interroge de la même façon.
  _ Continuez.
  Le ton de la voix veut briser toute réflexion, et lorsque je me tourne vers l'ancien, il ne daigne pas me regarder. De quoi as-tu peur, vieil homme? Tu as compris toi-aussi, mais tu ne sais pas tout.
  Le commerçant hésite quelques instants, mais prend une nouvelle inspiration avant de plonger prendre un couteau plus fin et de le plonger dans le corps. Je détourne les yeux, je n'ai pas besoin de voir ça. Je fais quelques pas pour sortir de la zone de chaleur des torches. L'aube est-elle loin? J'ai envie de sentir la lumière du soleil sur ma peau...
  Je n'entends pas de bruit, mais je lève malgré tout les yeux vers le toit d'une construction voisine. Dans l'obscurité, je vois une ombre et j'en reconnais la forme. Les yeux qui brillent légèrement sont plus rouges que verts, mais je ne m'en inquiète pas. Je sais qu'elle me voit aussi, mais je préfère ne pas faire un mouvement vers elle. Alnia ne me regarde pas directement, elle regarde par delà moi, l'attroupement et l'activité en cours. Quelques reflets étranges me font savoir qu'elle pleure. Pourquoi pleures-tu donc, princesse? Je ne peux pas monter te réconforter... Pourquoi ne pas aller la voir? Je ne suis pas bien certain, c'est un sentiment profondément ancré en moi. Elle me demande de la laisser. Elle m'autorise à la voir, mais elle ne souhaite pas mon contact. Qui es-tu, toi aussi? Pourquoi pleures-tu pour cette créature, pour cet homme devenu démon? La logique voudrait que je lie ton arrivée avec celle des attaques, chose que je ne voulais pas faire jusqu'à maintenant, mais comment pourrais-je t'associer à ces évènements, et encore plus à cette créature? Tu as l'air si pure, je t'ai serrée dans mes bras, autant que tu m'as serré toi aussi. Je ne veux rien croire d'autre que le souvenir de cette sensation, de ce lien...
  Autre chose retient mon attention. Plus loin, dans la ruelle cette fois. Un grognement. Je me décale pour faire face au son. Et là, plus loin, pas assez loin, des yeux rouges luisent, et un grognement léger fait vibrer l'air, non pas d'une annonce de violence, mais d'une mise en garde: n'approchez pas, laissez-moi et je ne vous toucherais pas. Un grognement qui exprime tout ça? Est-ce que je deviens fou? Est-ce que je vois, j'interprète des choses qui n'ont pas lieu d'être.
  Je jette un coup d'œil par dessus mon épaule. Les cinq hommes ne se doutent de rien, ils sont toujours penchés sur le corps, et ne relèveront pas la tête, fascinés par leur découverte. Si je ne te poursuis pas, créature blessée, et que j'autorise à ton reste d'humanité de rendre hommage à cette carcasse morte, tu n'attaqueras pas! Car si tu attaques, je te tuerais, je le jure, et tu me jures en retour que des humains mourront avec toi. Je lève un poing que je porte à ma poitrine. Une promesse, de moi à toi, un don de temps. Et tout à l'heure, nous reprendrons notre danse, quoi que tu sois.
  Je détourne les talons, et reviens vers le groupe. Ils ont ouvert la bête du bas ventre jusqu'au cou. Le commerçant écarte les organes, et lorsqu'il se tourne vers les autres, il est livide. Un homme est agenouillé à ses côtés. Il a dû arriver entre temps. Je le connais lui, c'est un guérisseur. Il soigne avec des plantes, des onguents. Et on lui prête des compétences bien plus puissantes encore. Il murmure, comme s'il se parlait à lui-même, inconscient de la présence des autres.
  _ Ce sont ceux d'un homme. Ils sont détériorés, et mis à part quelques organes dont je ne connais pas la nature, que je n'ai jamais vus, il s'agit du corps d'un homme.
  Quelles preuves supplémentaires leur faudrait-il?
  Je ne regarde pas plus moi-même. Je voudrais rentrer chez moi, et voir l'état de Jiono, m'assurer que ma famille va bien, que Fiana n'a pas peur, que la mystérieuse et si belle Alnia a envie de me retrouver au lac. Je m'adosse à un mur, et ferme les yeux. Les bras croisés, j'attends. Peut-être trop longtemps.
  J'ouvre les yeux lorsque je sens la lumière du soleil se poser sur ma peau. Je voudrais être sur mon toit, avec... Un éclat de surprise m'interpelle. Le groupe est toujours là, mais chacun de ses membres se reculent comme un seul homme du cadavre. Il ne peut pas être encore en vie!
  Je m'approche, et les écarte sans ménagement. Les torches tombent au sol, et crépitent comme pour crier leur souffrance face à la lumière si puissante. Une odeur s'insinue dans ma perception, et je vois de la fumée naître du corps. Hypnotisé, je vois la chair blanchâtre rougir, noircir. Elle éclate, se tord et s'effrite... Les organes exposés semblent se convulser, et se recroquevillent sur eux-mêmes. L'odeur s'amplifie, et la combustion s'accélère de plus en plus. Je tends une main, et je sens une chaleur anormale se dégager du corps. Les extrémités ne sont plus que de la poussière, et bientôt, les vêtements prennent feu, avant de s'affaisser pour de bon.
  Il ne reste plus que la forme d'un homme dessiné en cendres. Secoués, nous le sommes tous. Ce n'est plus de la surprise, mais de l'incompréhension. Est-ce la mort qui a entrainé ce phénomène? Alors que je le lève les yeux vers le soleil qui se découvre à l'horizon, je me demande si il n'y a pas une sorte de magie, une illusion qui ne pourrait prendre naissance que dans la nuit et que le soleil laverait de la réalité... Mais non, une illusion ne pourrait tuer...
  Je me tourne vers mes compagnons. Ils sont médusés, ils se regardent les uns les autres, et même le guérisseur ne trouve rien à dire lorsque l'ancien recouvre suffisamment ses esprits pour l'interroger.
  _ Non... Non... Je n'ai jamais rien vu de tel... Je n'ai jamais entendu parler d'un tel phénomène...
  Je me décide enfin à intervenir.
  _ Moi non plus, mais ne pas savoir ce dont il s'agit ne nous à pas empêcher de tuer. Celui-là.
  Les autres approuvent après quelques secondes d'hésitation, acceptant pleinement une partie de mes dires. Cela dit, l'ancien a compris le second sous-entendu. Il me regarde, le visage sérieux, les yeux inquiets, reprenant le rôle d'un homme qui ne peut résoudre la situation qu'en demandant de l'aide.
  _ D'autres créatures? Rien n'indique... Il ne faut pas inquiéter...
  Oui, je comprends, bien entendu, mais la vérité est la pièce maîtresse de la survie de tous.
  _ Il y avait deux créatures. Nous avons tué l'une d'elles, et j'ai réussi à blesser l'autre avant qu'elle ne s'enfuie.
  _ Vous avez laissé partir l'un de ces démons?
  Un regard de ma part suffit à faire taire l'idiot qui ne sait que répéter ce qu'on lui dit. Je reprends en parlant lentement, et en mettant autant de conviction que je peux réunir, même si au final elle n'est qu'une façade.
  _ Sa blessure n'aura plus de valeur ce soir. Pour l'instant, au vu de ce qui vient de se passer, elle se cache du soleil. Quelque part. Et cette nuit, elle viendra pour se venger...
  _ Se venger? C'est une idée humaine, je ne peux pas croire que ces créatures soient toujours des hommes.
  _ Croyez ce que vous voulez, ce n'est pas vous qui allez la traquer. Mon frère a été blessé durant l'affrontement, je vais m'assurer qu'il va bien. Et je trouverai la créature. Elle est plus humaine que vous ne le pensez. Elle est venue rendre hommage à sa sœur...
  Les voix commencent à s'élever, mais je fais barrage immédiatement en levant une main. Celui qu'ils ont en face d'eux n'est pas un enfant aux portes de la vie adulte, il s'agit de l'héritier de Gina. Et ils ont la sagesse d'écouter ce guerrier.
  _ Nous protègerons cette ville. Si j'échoue, mon frère et ma sœur seront là. Quoi qu'il arrive, ne restez pas seul durant les heures à venir.
  Mon dos a conclu cet échange, et d'un pas fatigué mais décidé, j'ai regagné ma maison.



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  Voilà, voilà!
  Un petit chapitre (d'ailleurs tous mes chapitres pour cette histoire sont de taille réduite, pour assurer une publication soutenue (donc oui Morcheebaa, tu avais bien vu! (petite question, tu as trouvé le blog par quel biais? D'ailleurs, c'est normal que j'ai les coms mais pas les mails des personnes pour les remercier?)), mais l'histoire avance, les personnages évoluent même si je ne ferais pas d'analyse psy avancée.
  Merci à tous pour vos commentaires, comme on dit souvent, il faut nourrir l'auteur, alors continuez!
  Je lance la première newsletter, comme je doute que le système automatique marche vraiment (ou alors, les subtilité de blogger m'échappent!), je le fais manuellement à partir d'une base de donné mail qui se construira avec le temps. pour vous inscrire : xantaste@gmail.com (et pas d'inquiétude, je compte pas envoyer de pub pour autre chose que ma propre grandeur...).

  Bonne journée à tous!

  Xan

2 commentaires:

  1. XD je reconnais là ta modestie
    à part ça, j'aurais adoré voir la scène de la décomposition ! super bien décrite visuellement néanmoins j'ai eu du mal à ma la représenter au niveau olfactif ( ceci dit c'est peut-être moi, j'adore jouer avec les cinq sens ^^" )
    Je suis certaine qu'il va se transformer en monstre à cause de Alnia et qu'il va tué son frère et sa soeur !!!!!!!!!! ça y est, je commence avec mes délires ...

    Gali

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  2. Bouhou, je suis triste de savoir qu'il va perdre sa famille alors qu'il l'aime tant. ça mef ait mal au coeur, t'aurais pas pu nous mettre un autre prologue ? XD

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