Ici, vous trouverez Trio, un roman de Xan, qui fut publié entre janvier et mars 2010 sur www.xantate.com


dimanche 21 février 2010

Trio - Chapitre 11

  Un chapitre de plus. Bonne lecture!!!

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  La forêt était calme, silencieuse. La nuit était claire. Lentement, une ombre se releva. Il s'agissait d'une femme. A ses pieds, une seconde ombre, immobile.
  Alnia resta longtemps à regarder Dirac. Puis, elle leva la tête vers le ciel sombre et cambra le dos, les bras légèrement en arrière. Progressivement, son corps se modifia, perdant ses caractéristiques démoniaques au profit de son humanité, silencieusement. Lorsque le processus fut achevé, elle regarda de nouveau le jeune homme évanoui. Posant un genou au sol, elle se pencha sur lui, murmurant à son oreille.
  _ Excuse-moi... Tu m'as fait comprendre que je ne suivais pas la bonne voie. Nous pouvons nous aider... Je n'ai pas la volonté de tuer le dernier membre de ma famille, et tu n'as pas la volonté de tuer ton frère. Mais tout doit finir ici et maintenant. Ensuite, ensemble, nous serons libres.
  Elle déposa un baiser sur les lèvres offertes, et quelques larmes s'écoulèrent.
  Non loin de là, une troisième ombre se dessina, sortant des arbres. Il s'agissait d'une femme, mais pas seulement. Une femme au corps déformé, les bras dotés de griffes, le visage sauvage et lacéré aux veines saillantes. Elle s'approcha, doucement, avec précaution.
  Alnia leva les yeux vers elle.
  _ Je dois le laisser, mais tu vas te charger de sa protection.
  Le visage qui n'était pas sans ressembler au sien, se fendit d'un sourire.
  _ Oui ma fille. Il en sera selon ta demande...
  La voix n'avait rien de faible, ou d'inhumaine. Derrière se sentait une pensée cohérente.
  _ Tu ne le toucheras pas. Il est à moi.
  La nouvelle arrivante se mit à genoux devant Alnia, pour l'approcher plus encore.
  _ Tu as tué pour lui. Tu as tué mon enfant. Il a tué mon mâle. Il va me tuer.
  Alnia attrapa le visage de sa mère, et le rapprocha du sien, leurs regards verrouillés l'un à l'autre.
  _ Oui. Ce que tu dis est vrai. Mais toi, parmi tous les autres, sait que c'est une obligation. Tu ne veux pas que notre lignée s'interrompre? Je suis la dernière capable de la faire perdurer. Tu ne peux plus te reproduire. Et moi, je serais avec lui et personne d'autre.
  La douleur, la tristesse, la lassitude, la solitude. Tous ces sentiments se succédèrent dans les yeux de la femme plus âgée, ainsi que la résignation.
  _ Alnia... Je suis déjà plus morte que vivante. Moins sauvage que les autres, et toi tu te contrôles plus encore, bien que la bête qui est en toi soit plus forte. Ton mâle ne comprendra pas. Il a emprisonné son démon, sa lignée a toujours combattu les créatures telles que nous.
  _ Silence! Je suis la dernière, tu feras ce que je te dis de faire.
  La femme recula, et s'inclina, se prosternant presque devant sa fille.
  Cette dernière se leva, regarda une dernière fois Dirac, et s'éloigna d'une démarche décidée vers la ville.

  La journée avait été rude, la soirée intolérable, le début de la nuit morbide. Jiono n'avait pas quitté le lit. Alors que l'alcool ne faisait plus effet, son corps se réveilla à la douleur, et la dureté de sa personnalité n'avait été assez solide qu'un temps. Lorsque le soleil commença à baisser, il ne pouvait plus retenir ses cris.
  Fiana avait donné son cours le matin, puis elle avait veillé son frère. Lorsque les cris avaient commencé à raisonner, Elto l'avait mise à la porte et s'était enfermé avec Jiono. Elle resta longtemps le dos à la porte, mais fut contrainte de fuir au bout de quelques heures.
  Le bras de Jiono avait changé de couleur, avant de retrouver sa teinte habituelle. Il avait regagné plusieurs fois conscience, et avait sombré tout autant. Elto était resté la majeure partie de la soirée avec lui et jusqu'au début de la nuit. Lorsque Jiono sembla se calmer quelque peu, il le laissa. En silence, comme toujours, il alla s'occuper de quelques tâches dans la maison. Si on le suivait, invisible, on aurait vu un homme aux gestes précis, au visage impassible, maître dans l'exécution des tâches quotidiennes, un ballet dont la danse était exécutée avec une grâce rare pour un homme.
  Jiono ne criait plus depuis deux heures lorsque Elto gagna le dojo de la famille Giana. Comme à son habitude, chaque nuit, lorsque les enfants étaient couchés, il s'entraina. Les arrières grands-parents de ses maitres actuels l'avaient recueilli lorsqu'il était juste un enfant, et ils l'avaient éduqué dans les arts de la vie, qui comprenaient les arts martiaux. Il s'était entrainé en même temps que le grand-père, puis avec le couple lorsque ce dernier fut formé.
  Il avait eu l'opportunité une fois adulte de fonder son propre foyer, de s'installer ailleurs, mais il avait décidé de rester, et de vivre ici, dans cette maison. Il avait pleuré la mort de ses amis d'enfance lorsque ceux-ci succombèrent par la violence, et avait juré de défendre les nouvelles générations. Il n'avait jamais eu à le faire jusqu'à maintenant.
  Dans le dojo, il quitta ses vêtements habituels. Sa veste aux manches longues, son pantalon sobre, et resta torse nu, portant un bas court. Il n'avait aucune illusion sur son âge. Il avait vu ses cheveux blanchir au fil des ans, et sa souplesse s'amoindrir. Cela dit, son corps gardait une tonicité rare, son entrainement quotidien, sa maîtrise d'un art martial exceptionnel lui conférant un avantage face au temps.
  Il entama l'une des premières danse de guerre qu'on lui avait apprise. En silence, sans même que ses pieds nus fassent craquer le sol, il se mit en mouvement. Son seul regret avait été de ne pas lui-même avoir d'enfant. Lorsqu'il avait réalisé que sa dévotion ne permettait aucune autre place, les années avaient déjà passé, et il ne souhaitait pas changer. Il n'avait jamais eu de disciple ou même enseigner à qui que ce soit, et ne le ferait jamais. Il était un membre de cette maison, mais pas un membre de la famille, il n'avait pas le droit de transmettre l'art.
  Ce soir, il savait qu'il s'entrainait sans doute pour la dernière fois. En voyant Jiono aujourd'hui, des souvenirs étaient remontés de son enfance. Alors qu'il venait d'être accueilli dans cette maison, l'arrière grand-mère des enfants avaient eu une vision. Il était trop petit pour qu'on lui explique, mais il avait entendu les discutions qui avaient eu lieu. Il n'avait pas de doute que le temps avait altéré ses souvenirs, mais il se souvenait qu'il était question de monstre. Qu'une génération future serait confrontée à la destruction totale de la famille. L'inquiétude avait régné, et ensuite le trouble. Les rêves divinatoires étaient rares, et aucun autre ne vint troubler la femme. Peut-être ne fallait-il pas y voir autre chose qu'un cauchemar? Même la devin se mit à douter, et à oublier. Deux générations plus tard, il ne restait rien de cette histoire que dans l'esprit de Elto. Et il savait que ce moment était arrivé. Il allait devoir combattre.
  Il savait une dernière chose, que son propre cœur allait être sa perte. Au fil des ans, il avait réalisé que son cœur devenait plus sensible, qu'il perdait de sa force, de sa puissance, qu'il battait plus vite et plus laborieusement. C'est sans doute lui qui allait le trahir le premier. Dans son esprit, il n'envisageait pas de mourir autrement.
  Lorsque son échauffement fut terminé, il sorti de la salle puis de la maison, et toujours torse nu, se posta en sentinelle. La fraicheur fut le dernier élément qui le prépara à ce qui devait arriver. Il se campa les jambes sur le sol, les muscles contractés, croisa les bras et ferma les yeux. Il laissa son instinct parler et chercha à ressentir les ondes négatives dirigées vers la demeure et ses habitants. C'était une technique qu'il avait développée depuis toutes ces années, dans son désir de protection. La première vague le fit défaillir et immédiatement, il interrompit le processus. Devant lui, derrière lui, les ondes négatives étaient partout, d'énormes pôles d'une vigueur dont il n'avait jamais vu l'équivalent. Derrière, dans la maison même, et devant, très proche. Trop proche.
  Lorsqu'il ouvrit les yeux, il n'était plus seul. Devant lui, une jeune femme se tenait. Une jeune femme brune, grande, au corps musclé et dont l'aura était incontestablement sombre. Ses yeux étaient froids, focalisés et déterminés. Indépendamment de ce qui allait suivre, Elto ressentit immédiatement un certain respect pour cette guerrière, et pour la force qui émanait d'elle. Et déraisonnablement, il éprouvait une peur qu'il n'avait jamais connue, pour la personne qui allait peut être le tuer, et s'en prendre ensuite à ses enfants.
  _ Je n'ai pas de grief contre toi, mais je suis ici pour supprimer une menace qui grandit.
  Un sourire se dessina sur le visage fatigué de Elto. Il ouvrit les bras comme pour inviter la jeune femme à s'approcher. Cette dernière lui fit une révérence, et se mit en position de combat.
  _ Mon nom est Alnia, vieil homme. Je n'ai pas le désir de te tuer, mais l'enjeu est trop grand.
  Elto l'attendit, et elle s'avança vers lui, avec une précaution dénotant qu'elle ne le prenait pas à la légère. Elle tenta de le frapper à la poitrine, d'un coup de pied dévastateur, mais il s'écarta et lui attrapant la jambe, la jeta au sol. Tout en souplesse, elle prit appui sur la prise pour frapper de sa seconde jambe. Elto recula lorsque le pied cogna le coté de sa tête. Et Alnia était déjà sur lui. Elle le frappa à la poitrine, mais il absorba la violence en réagissant. D'un coup de tête, il la fit reculer, et avança sur elle. Lui attrapant une main, il força les articulations et elle se retrouva au sol, bloquée. Il lui brisa deux doigts avant qu'elle ne le morde à pleines dents et lui fasse lâcher sa prise. Mais il n'avait pas fini. Il posa une main sur la nuque offerte et lui enfonça le visage dans le sol, utilisant son poids en posant un genou sur son dos pour l'immobiliser. De sa main libre, il manipula l'épaule proche. Alnia cria lorsqu'elle eut l'impression qu'il lui brisait les os et lui arrachait la chair.
  Elto n'en avait bien sûr pas la force. Sur son torse exposé, les muscles luttaient contre leur pire ennemi, et un observateur extérieur aurait vu que le visage du vieil homme portait une grimace de douleur. Son cœur n'arrivait pas à suivre le rythme imposé. Et comme il ne pouvait espérer gagner par un affrontement basique, il utilisait des ressources autres, que la jeunesse ne pouvait avoir eu le temps d'apprendre. Il touchait les centres vitaux, les nerfs, les zones d'une sensibilité sans égal. Le cri de son adversaire lui indiquait qu'il avait frappé juste et que le bras resterait de longues minutes inutilisable.
  Sous ses mains, il sentit une modification. Alnia poussa un nouveau cri, mais celui ci était emprunt de colère, et de haine, d'une saveur gutturale et sauvage. La peau se fit moins douce, ses muscles plus durs, comme du métal, et elle se releva malgré la prise, en le projetant à plusieurs mètres.
  Devant Elto se dressait maintenant un hybride, mi-femme, mi-monstre. Et il avait vraiment peur. Le bras qu'il avait neutralisé pendait mollement sur le côté, et Alnia ragea de ne pas arriver à le faire bouger.
  Au même moment, un cri déchirant provint de la maison. Un cri de femme, où se reflétait à la fois l'horreur et la révolte. Elto se tourna immédiatement vers la maison, tournant le dos à son adversaire, et lorsqu'il réalisa ce qu'il venait de faire, Alnia était déjà sur lui. Elle frappa juste au moment où il lui refaisait face. Un coup de poing, un coup d'enclume au centre de la poitrine. Il resta immobile, une pierre subitement présente en lui. La créature siffla et se rapprocha de lui, pour lui parler à l'oreille.
  _ J'ai entendu ton cœur, vieil homme, il m'a dit qu'il était fatigué, qu'il voulait se reposer... Tu aurais dû l'écouter.
  Subitement lourd, Elto glissa contre son adversaire. La pierre se changea en feu, et il lui semblait que son torse allait exploser de l'intérieur.
  _ ...
  Il serra les dents, prit appui sur Alnia pour se redresser, et, plus rapide qu'un animal, il s'écarta et la frappa des deux mains tendues, comme s'il s'agissait de pointes de lance. Le second bras d'Alnia devint inerte, et les autres doigts la touchèrent à la jonction entre la gorge et l'arrière des oreilles. Son regard rouge perdit immédiatement de son éclat, et en quelques secondes, le temps qu'elle titube en arrière, les pupilles se remplirent de blanc.
  Elle cria. Elle cria tellement fort que toute la ville devait entendre sa plainte, sa haine. Incapable de voir, et de se servir de ses bras, elle tomba à terre et roula sur quelques mètres, hurlant.
  Elto, lui, avait tourné les talons. Laborieusement, il avança vers la maison. C'était la voix de Fiana qui avait raisonné.


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  Et voilà, on passe avec une autre perspective. Et Elto au premier plan (parce que bon, c'est pas un perso principal, mais il a du potentiel le petit vieux!).
  Un personnage de plus aussi, la maman (une belle-mère aussi, no comment...).
  Alors?

  Xan

3 commentaires:

  1. Ah!!! Enfin, Elto a un rôle non négligeable!! En plus, on s'attache à ce 'tit vieux! Même si il n'occupe qu'un second rôle, on s'est attaché à ce monsieur qui prend soin du trio!!!
    Et voir le pouvoir d'Alnia, son influence : intéressant! J'aime la place qu'elle tient dans cette histoire!!
    J'ai hâte de découvrir les raisons du cri de Fiana (même si j'ai une petite idée...)
    Continues comme ça!!!

    Boulette

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  2. Beaucoup, beaucoup de choses dans ce chapitre ! D'abord, une place importante aux persos secondaires qui ont tous leur personnalité et un rôle à jouer dans l'histoire.

    Je me demande à un moment si tu t'es pas mélangé les pinceaux entre ELto et Jiono au moment où arrive Alnia.

    J'ai hâte de voir Dirac surgir en héros ! Et qu'il arrive à temps pour sauver Elto aussi !

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  3. Mmh ... j'aime bien Elto, je le trouve super costaud, mais je veux qu'il meurt !!!!!!! J'suis à 100% POUR la victoire des bêbêtes méchantes <3 Alnia a choisi Dirac comme mâle, j'adore ! ( nan, j'suis pas bizarre, j'en ai juste l'air XD )
    Alors, est-ce que Dirac va choisir de lutter pour Alnia et tuer sa famille pour elle, ou contre Alnia et tuer sa famille parce qu'elle les aura contaminer ?
    De toute façon dans les deux chas Jiono et Fiana vont mourir ... mais reste la question Alnia

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