Ici, vous trouverez Trio, un roman de Xan, qui fut publié entre janvier et mars 2010 sur www.xantate.com


mardi 30 mars 2010

Trio - Epilogue

  On y est... Bonne lecture!

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  J'ai réussi à me trainer jusqu'au lac.
  Sur le toit, après la mort définitive de mon frère, j'ai regardé s'envoler ses cendres. Je voyais le sol en bas, et je sais que je suis resté longtemps à le contempler, hésitant. Sauter? Rester en vie? L'équilibre était précaire. Étrangement, c'est mon ventre qui m'a rappelé à l'ordre. J'avais faim, donc je suis allé à la cuisine et j'ai mangé comme si je n'avais pas touché de nourriture depuis des semaines. Après réflexion, cela faisait deux bonnes journées. ensuite, j'ai dormi, à même le sol. Et puis lorsque je me suis réveillé, je me suis senti sale, j'avais du sang un peu partout, je puais la sueur, et mes blessures étaient loin d'être jolies. Non, je n'avais pas de soucis à me faire pour un éventuel poison démoniaque, mais les infections humaines classiques, je n'en suis pas immunisé. C'est pour tout ça que je me suis trainé jusqu'au lac. Je voulais me laver, faire quelque chose pour le sang, et les cendres, qui m'entravaient. J'avais même pris des vêtements propres, et c'est intégralement nu que j'ai plongé.
  Le soleil baissait dans le ciel, j'avais encore un peu de temps. J'ai croisé quelques personnes, donc toujours en vie, et je leur ai dit de ne pas sortir de chez eux cette nuit. Mon cri lorsque l'eau fraîche est entrée en contact avec mes plaies a dû les convaincre pour de bon. Et oui, ça fait mal, ça brule! Je sais, j'ai connu bien pire, mais cognez-vous donc le pied dans une racine, vous verrez, vous crierez. Et bien là, c'est pareil. Je suis sorti du lac lorsque j'eus nettoyé tout le sang qui me couvrait. Une bonne partie avait été absorbé par les vêtements. Les cheveux trempés, je me suis appliqué à mettre des bandages sur mes plaies. Il fallait que je m'occupe en fait, le temps que le soleil se couche.
  Mon corps est faible, j'ai perdu beaucoup de sang, et des mouvements trop brusques me font tourner la tête. En fait, avec un peu de recul, je suis même presque sûr que si je perds encore du sang, mon corps serra incapable de fonctionner. En gros, que je meure. C'est pour ça aussi que j'ai encore faim et que j'avale presque sans mâcher les quelques provisions que j'avais pris. Mon organisme doit refaire du sang. Et puis j'ai mal aux muscles.
  Le sourire que j'affiche de temps en temps, est relativement infondé. Je sais ce que je fais, j'affronte ma solitude, la mort complète de ma famille en bloquant mes émotions. A moins que... Non, je n'ai pas encore fait la paix avec ce qui c'est passé. C'est trop tôt... Et je crois que je n'aurais pas le temps. J'ai peut-être eu la force de tuer Fiana et Jiono, mais il s'agissait d'un honneur familial. Maintenant, cette nuit, j'ai une attitude simple et logique à prendre. Tuer les démons décérébrés, jusqu'au dernier. La ville est peut-être condamnée, mais demain matin, il y aura encore quelques habitants pour reconstruire, poursuivre, ou quoi que ce soit. Je ne serais plus là. Si j'avais le temps de guérir, de reprendre mes forces, je serais parfaitement capable de supprimer la menace et de grimper aux arbres juste après. Là, aujourd'hui, je dois me concentrer au maximum pour simplement rester debout.
  Ils vont venir à moi, je vais m'en assurer.
  Habillé, je fini un quignon de pain trop petit, et je bois les dernières gorgées d'un vin rougeâtre, directement à la bouteille. C'est une cuvé rare, excellente. Mais bon, je m'en sers plus pour me donner du cœur à l'ouvrage, ainsi que pour apporter à mon corps quelques éléments nutritionnels supplémentaires. Et puis, je n'ai jamais bu de ma vie, mieux vaut tard que jamais, non?
  Le soleil montre des signes de faiblesse. On y arrive. Avant que les bêtes soient lâchées sur la ville, il faut que je leur inspire une voie. Je me mets à genoux, et ferme les yeux. La concentration me vient naturellement, et mon esprit s'envole rapidement dans le ciel. La ville en dessous, elle apparait noyée sous les taches de noirceurs, tellement nombreuses qu'elles forment presque une unité impénétrable. Ce nuage se prolonge même au delà des limites des maisons, s'étendant dans la forêt, sans doute quelques grottes. Je fais le tour un peu plus loin, mais je ne vois aucune trace au delà d'un certain périmètre. Aucun des démons ne s'est échappé. Je ne peux m'empêcher de chercher la présence d'Alnia, évidement. Mais, elle n'est plus là, trop éloignée pour que je puisse la retrouver aujourd'hui. Évidement... Peut être que j'espérais, peut être est-ce secondaire.
  Quoi qu'il en soit, je reviens au dessus du lac. Et j'impose ma présence dans le monde. Une lumière s'échappe de mon esprit, une lumière forte, hypnotisante, qui s'étend sur toute la ville et ses environs. Je vois les nuages sombres bouger, et alors je sais que ma démarche fonctionne. Ils entendent mon appel, mon ordre. Et ils vont venir, fascinés par la présence. Je reste quelques instants comme ça, puis je glisse vers mon corps, mais laisse derrière moi la lumière, et lorsque j'ouvre les yeux, le ciel est noir, le soleil a disparu. Je me relève, sans doute un peu plus faible que tout à l'heure, mais je me sens prêt à affronter jusqu'à la dernière de ces créatures.
  Le première grognement, il est dans mon dos, et je me retourne pour frapper,  frapper pour tuer, évidement.

  L'aube est agressive. Je suis revenu au lac, et je me rends compte seulement maintenant de l'étendue du carnage. Des dizaines de corps sont empilés un peu partout, et lorsque les rayons du soleil touchent les masses, ils s'embrasent comme des meules de foin. Dans ma ville, un peu partout, des corps prennent feu. Et non, je n'ai pas réussi à tous les attirer, certains, un peu plus malins sans doute, sont restés loin, ont tenté de fuir. Chacun d'entre eux, je les ai traqués.
  Il n'en reste plus qu'un, qu'une présence maléfique, mais à l'heure qu'il est, il devrait être en train de flamber, car il se tenait au niveau du lac, et aucune zone d'ombre n'est disponible. Donc, pour conclure, je suis parvenu à faire ce que je voulais. Il était temps en fait. Les deux premières heures, j'étais euphorique, je donnais tout, tuait, dans une frénésie meurtrière. Et puis, quelques blessures se sont ajoutées, les anciennes se sont manifestées, se sont réouvertes, et j'ai commencé à souffrir. Lorsque mes muscles eurent du mal à bouger, je suis entré dans une transe. C'était le milieu de la nuit, et vraiment, les vagues de monstres n'en finissaient plus. Tous était d'ancien habitant de cette ville... Je ne cherchais pas à les reconnaître, cela n'aurait pas eu de sens...
   Je n'en ai pas eu plus de quatre ou cinq à affronter en même temps, mais c'était bien assez, et je n'ai pas eu le temps de rependre mon souffle. Il ne valait mieux pas d'ailleurs, parce que mon corps se serait sans doute refroidi, et cela m'aurait été fatal. Lorsque plus aucun nouveau démon n'était arrivé, je suis rapidement reparti dans l'autre monde pour localiser les résistants, et je me suis mis en chasse. Un par un, je les ai retrouvés, et je les ai tués, purement et simplement.
  Là, au lac, je me force à regarder chaque feu s'éteindre progressivement. Les flammes sont montées haut, et là les cendres se promènent dans l'air. Lorsque je tombe à genoux, c'est vraiment que je ne tiens plus debout. Que je ne tiens plus rien. Du sang coule le long de mes bras, mes vêtements sont poisseux de sueur. Mon visage cogne la terre, et j'ai subitement l'impression que mon corps est plus léger que le vent. Je ne sens plus mes muscles, plus rien.
  Je meure, pour de bon cette fois, mais c'est comme ça, j'ai fait tout ce que j'avais à faire. Ou presque... J'aurais aimé, je crois, revoir Alnia. J'aurais aimé lui montrer que j'avais vaincu et que j'étais humain. Et que nous pouvions... Oui, elle m'a rejeté. Je sais qu'elle est mentalement instable, qu'elle vit avec une folie constante dans son esprit. C'est comme ça. Elle m'a aimé, elle m'a rejeté. Trahison? Oui, dans un certain sens. Peut-être est-ce dur, mais je veux la voir. Dans une certaine mesure, je veux aussi m'assurer qu'elle ne répande plus ce mal. Vivre avec elle, c'est en être sûr, c'est avoir le plaisir d'apprécier sa présence, d'apprécier notre amour. Et si elle refuse de vivre comme une femme, une humaine, je serais là pour la retenir, pour la traquer, la tuer. L'aimer, ou la tuer.
  Elle est quelque part. Il me reste peut-être juste assez de force... Je ferme les yeux, et élève mon esprit. Haut dans le ciel éclairé, je visualise son visage, je visualise tout ce que je connais d'elle, et je me laisse guider. Mon esprit dérive, doucement, puis de plus en plus rapidement. La forêt vole sous moi, je passe une première ville, puis une seconde, je ne compte pas les rivières, les champs, les routes... Comment a-t-elle pu parcourir une telle distance? Lorsque je ralenti, je plonge plus près du sol. Je sens mon corps, loin, qui fatigue, qui s'éteint, à bout de force. J'arrive dans une plaine, et je vois une ombre avancer. L'ombre grandit, et je la vois, forte, en train de courir, avalant les distances comme un fauve. Elle est magnifique. Subitement, elle s'arrête, et je la vois se courber en deux. Je me rapproche jusqu'à être devant elle. Elle vomit, à quatre pattes. Malade? Ou est-ce parce qu'elle pousse son corps à se déplacer trop vite, trop loin? Elle se redresse, le regard déterminé, et se remet à courir, comme si de rien n'était. Je vois son aura recroquevillée autour d'elle, comme une zone de protection l'isolant du monde. Elle ne peut pas me voir, je n'ai pas la force de briser cette isolation. Et alors que je la vois partir, courant toujours, je vois une touche étrange dans son aura doré. Je me remets à son niveau, avec difficulté. Tout autour, le flou gagne, je vois de moins en moins. Je me rapproche, mais j'ai du mal à rester focaliser sur elle. Je sens mon corps qui me rappelle. Je veux un peu plus de temps, juste un peu! Toujours un peu plus...
  Dans cet aura, un point minuscule, blanc, se dessine. Au niveau de son ventre. Alnia? Je tente de lui parler, mais elle n'entend pas. Elle ne peut pas entendre puisque je ne peux pas parler. Une entité en toi... Un enfant? Incrédule, je vois le point vibrer subitement, et une vague s'en échappe pour faire vibrer l'aura dorée de son hôte. Sous mes yeux, je vois Alnia disparaitre. Non, en fait, c'est son aura qui se volatilise, et elle, elle s'efface, laissant derrière elle forme transparente, qui continue d'avancer. Toi qui possède cette aura blanche, as-tu ressenti ma présence? Viens-tu de cacher Alnia à mes yeux? Est-ce que tu vous protèges de moi? Veux-tu m'empêcher de vous retrouver? Mais, je meurs de toute façon...
  Mon esprit n'a pas le temps de faire le voyage retour, et mon corps ouvre les yeux, une dernière fois. Nous y sommes. La mort que j'ai défiée tant de fois en quelques jours, pour repartir toujours plus fort, toujours plus vivant, différent, elle est là, maintenant. Devant moi. Dos au soleil, une ombre est penchée. Une ombre dont la silhouette ne m'est pas inconnue. Elle se rapproche de mon visage, et j'ai du mal à en croire mes yeux. Le visage qui est proche du mien, c'est Alnia. Je ne comprends pas... Elle est pourtant si loin! Mais non, ce n'est pas elle. Le visage est plus vieux, les yeux légèrement différents... Je sais, il s'agit de sa mère, qu'elle voulait que je tue. J'ai donc raté l'un des monstres. Serait-ce celui que j'ai senti en revenant au lac, que je pensais périr avec le soleil? Une erreur, un démon de libre... Tant pis! J'ai fait tout ce que je pouvais...
  _ Tu es tellement fort, humain... Comment peux-tu être si fort?
  La voix est douce, profonde, effrayante. Ne m'approche pas, monstre, laisse-moi mourir en paix! Mais il ne doit pas en être ainsi.
  _ Elle a raison, je ne suis plus utile, je suis secondaire face à elle... Mais, je la hais, elle qui est plus forte, et qui peut avoir des enfants. Je la hais...
  Elle parle de sa fille? Je crois. Je ne la vois plus... Je sens ses mains en contact sur moi, sur ma poitrine, puis sur mes plaies, les plus profondes. Je ne comprend pas, là où les mains me touchent, la douleur revient. J'étais bien sans douleurs...
  _ Laissez-moi mourir...
  Je sens un contact humide sur mon visage, sur mon front. Puis sur mes lèvres... Je crois qu'elle vient de me lécher les lèvres. Puis, je sens le contact d'un baiser. Tout va très vite, le contact devient brulant, et je perds connaissance.
  _ Non, tu vivras, et tu la retrouveras pour la tuer...

  C'était peut-être le jour, ou la nuit, cela n'avait pas d'importance. Un lac se trouvait dans une forêt, et non loin, une ville presque déserte. Aux bords de ce lac était étendu le corps d'un homme, d'un jeune homme aux vêtements déchirés. Un instant, il était immobile, sans doute mort. L'instant suivant, il ouvrit les yeux, et roula sur le côté. Son mouvement fit tomber les cendres qui couvraient son corps, et il cracha autant qu'il le pu pour évacuer le goût du charbon qu'il avait dans la bouche.
  _ Alnia...


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  Et voilà! L'épilogue de Trio. Je n'avais pas du tout prévu ça au départ. L'histoire devait vraiment tourner autour des triplés, et puis j'ai introduit un personnage féminin que j'ai appelée Alnia, pour apporter un peu de saveur à l'ensemble, et puis cette Alnia elle a voulu prendre une place plus importante, alors voilà... Au final, ça nous donne... Une histoire d'amour un peu tordue, noyée dans une histoire de malédiction.
  Merci à tous ceux qui ont suivit ce roman court et encore plus merci à ceux qui ont laissé un commentaire derrière eux!
  Comme vous le constater, la fin est un peu 'ouverte'... C'est normal. Je voulais terminer l'histoire des triplés, pour ne pas qu'elle soit trop difficile à digérer. Et... Il est loin d'être exclu d'avoir une suite, d'ici quelques temps. J'ai des idées, je ne le cache pas. Qu'en pensez-vous?

  Bon, d'ici quelques jours... Préparez-vous à une autre histoire!
 
  Xan

3 commentaires:

  1. ah mais c'est pas une fin c'est ça l'entraxe !!!!
    il ne peut qu'y avoir une suite là toute façon ( ouais mais moi je le savais déjà ^^ )
    Mais qu'est-ce qu'elle lui a fait sa mère ? j'ai l'impression que notre Dirac va devoir passer par différents stades démoniaques =)
    il devra pas combattre son enfant dans la suite quand même ?
    Mmh, peut-être seulement Alnia
    ^^
    Bisous

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  2. hé hé, je passe avant Gabie niark :p

    wouah, super fin ! histoire très rondement menée sans longueur avec de tout, de l'action, des sentiments (dégage Alnia), de l'émotion, une amitié. Je suis quand même triste que Dirac ait perdu sa famille.

    une suite ? Pourquoi pas !!! Mais je trouve que ça fait une super fin comme ça aussi ! Enfin, si c'est pour retrouver Dirac, je suis carrément pour sauf que j'ai pas trop envie que ce soit une fixation sur Alnia...

    enfin, voilà, l'histoire est finie et la fin était en tous les cas des plus passionnantes ! J'avais peur en voyant tout le potentiel qui restait que ça se termine en queue de poisson et qu'on reste sur notre faim (c'est le cas de le dire) mais non, et on part satisfaits avec peut-être une pointe de tristesse pour Dirac.

    J'espère que le prochain sera tout aussi bien ^^

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  3. Tout d'abord je m'excuse pour n'avoir pas laissé de commentaires pendant ma lecture si ce n'est un au prologue qui disait que je repasserais lire la suite, alors voilà, je suis revenue et je l'ai lue et je n'ai pas été déçue!
    Je suis le genre de lectrice qui laisse peu de commentaires à quelques exceptions prêtes (Gabie est chanceuse xD).
    Je dois avouer que même si le début me plaisait j'étais un peu septique quand même mais plus l'histoire avançait et plus j'étais conquise!
    Tu écris vraiment bien sans lourdeur et on arrive très bien à se représenter les scènes que tu décris.
    Moi j'aime le yaoi mais j'apprécie tout autant les belles histoires sans homosexuels et j'adore Alnia. Je ne considère pas sa fuite comme un abandon ou une trahison car je la comprend dans un sens (non pas que j'ai déjà eu à tuer un de mes petits copains xD).
    Bref j'arrête là mon roman (bah ça fera pour tous les commentaires que je ne t'ai pas écrit avant:P) et je tiens à te dire que je suis tout à fait pour une suite mais si tu ne la fais pas c'est de toute façon une fin acceptable ^^
    Je crois que tu as commencé une autre histoire pas vrai? J'irais sûrement la lire un autre jour (sous entendu un jour comme aujourd'hui où je serais prise d'une envie subite xD)

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