Ici, vous trouverez Trio, un roman de Xan, qui fut publié entre janvier et mars 2010 sur www.xantate.com


samedi 6 mars 2010

Trio - Chapitre 14

  Le chapitre 14, qui s'est un peu imposé comme une évidence dans l'histoire, sans que je m'en rende compte... Sacré texte!

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   La piste était froide. Lorsque je suis sorti de la maison, en rage, je n'ai pas trouvé sa trace. J'aurais pu m'en prendre à la terre entière, et tuer sans distinction quiconque se serait mis en travers de ma route. Personne ne m'a approché. Il faisait jour. Jiono serait-il sensible à la lumière du soleil, obligé de se cacher dans un endroit sombre pour ne pas mourir, comme les bêtes? Ou, comme Alnia, et sa mère, était-il capable de se déplacer de jour comme de nuit? Comment le savoir?
  J'ai arpenté la ville, mais n'ai rien trouvé. Ma rage est retombée, mais mon objectif est toujours le même. Jiono est un traitre, peut-être malgré  lui, peut-être volontaire. Oui, il a été mordu, et donc contaminé, comme m'avait mis en garde Alnia. Mais cette dernière se contrôle, donc c'est possible. Jiono lui, a choisi. Il a tué Elto, il a violé notre sœur. Il doit payer, être neutralisé. Désormais, c'est une affaire de famille, que je dois régler moi-même.
  J'ai tenté de le trouver en me projetant dans le monde des esprits. Mais je suis trop troublé. Je n'arrive pas à me concentrer suffisamment. Mon esprit parvient à décoller de mon corps, mais tout est trouble, brumeux, sombre. Je n'arrive pas à voir à plus de quelques mètres. Il y a deux sources noires qui règnent, une majeure et générale qui recouvre tout, et une plus faible, qui émane directement de moi. Cette souillure est celle de mon sang, de ma famille, du traitre. Jiono. Je commence à être touché par tes choix, ta faiblesse, je suis le dernier rempart... Je t'aurai.
  Je suis en train de chasser. J'ai repéré un lièvre. Une pierre fait son œuvre. Le rongeur s'écroule mort, touché à la tête. Je l'ai eu d'un seul coup, mais c'est le second, le premier que j'avais repéré avait été bien trop vif pour moi. Je l'attrape par les oreilles, et repars.
  Je suis dans la foret. J'ai l'impression que ce lieu est devenu un sanctuaire pour moi ces derniers jours. Je m'y sens en sécurité, ou presque. J'arrive à une sorte de masse rocheuse, avec une ouverture creusée. Deux heures auparavant, je n'y avais jamais mis les pieds. A l'intérieur, le chemin est profond, et s'enfonce dans le sol même, avant de s'ouvrir dans une caverne. Cette zone est énorme, parcourue par une rivière souterraine, formant même un lac de petite taille, peu profond. L'eau y est fraîche. Quelques trous dans la roche au dessus assure l'entrée de la lumière. Mais j'ai vu aussi des torches, des urnes remplies de combustibles, et d'autres traces d'un culte je crois, pierres sculptées, ornements étranges... Quelle qu'ait pu être la nature de l'usage des lieux, ils sont abandonnés depuis des années, probablement plus.
  Je m'enfonce sous terre, et lorsque j'arrive dans la grotte, ma prisonnière grogne à mon encontre. Elle n'a plus la force de faire plus, épuisée par ses blessures, et par la faim qui la tiraille. Je le sais, cela se voit dans ses yeux. Des yeux que j'aime regarder, mais qui sont à ce moment plus jaunes que verts. Alnia. Elle m'est tombée dessus dans la forêt, littéralement. Des blessures qui auraient du l'empêcher de bouger l'ont affaibli et rendu sauvage. Je n'ai pas eu grand mal à la neutraliser. Je n'avais pas le cœur à la tuer... Cette caverne était juste à côté, et j'ai voulu l'y enfermer pour réfléchir. C'est là que j'ai découvert la grotte. J'ai fini de l'attacher avec des racines lorsqu'elle est revenue à elle. Elle a cherché à me mordre, mais elle était bien trop faible pour se libérer.
  Je reste hors de portée. Elle se débat, et ne doit pas me reconnaitre. Ou tellement peu... Il serait trop simple de croire en une coïncidence, le fait qu'elle m'ait attaqué moi plutôt qu'un autre. Savait-elle inconsciemment que je pourrais la retenir? Mais sans repos, sans nourriture, elle devait savoir qu'elle ne pourrait guérir. Espérait-elle mourir? Je ne veux pas te laisser mourir, et tu dois le savoir.
  Je jette le lièvre devant elle. Elle se penche pour le dévorer, mais les mains attachées, elle y plonge les crocs, se redresse et agite l'animal mort dans tous les sens. Je me suis glissé derrière elle et tire sur les liens. Ils se détachent, et elle attrape la carcasse à deux mains, déchirant la peau et dévorant la chair crue. Je me détourne du spectacle, ne souhaitant pas la voir dans cet état. Les bruits étant déjà trop pour moi, je m'écarte le plus loin possible. Je me sens à la fois fasciné et dégouté. Je me déshabille et plonge dans le lac souterrain. Son eau est beaucoup plus fraiche que celui dans lequel j'ai l'habitude de me baigner, mais avec les circonstances, cette attaque sur ma peau m'est bénéfique.
  Je ne comprends pas ce qu'il m'arrive. Je me sens similaire à un animal. J'étais en quête, je voulais détruire le traître, celui qui a rejeté son statut d'humain, mon frère. Et, dès que j'ai vu Alnia, dès qu'elle m'a attaqué, c'est comme si un voile avait recouvert cette priorité, comme si plus rien d'autre n'avait d'importance qu'elle. La voyant inconsciente, lorsque je l'ai portée dans mes bras jusqu'à cet endroit, j'ai ressenti un désir. Pas seulement une envie sobre et pudique. Non, un torrent, une pulsion désespérée. J'en ai pleuré. J'ai eu envie de l'embrasser, j'ai eu envie de la sentir contre moi. J'ai eu envie d'une sensation qui n'est pas définie, qui n'a pas de nom. J'ai eu envie de l'aimer, au plus fort, au plus profond de moi-même. J'ai eu envie de mourir dans ses bras, que notre union soit la dernière chose que je fasse.
  Tout va s'écrouler, ma vie, mes valeurs, ma propre personne. Qui serais-je lorsque j'aurais tué mon frère? Non... J'ai eu envie que tout se termine sur cette note magnifique... Que j'espère magnifique. J'ai envie de consacrer ma vie à autre chose, à un projet plus grand, au bonheur. Au mien, et à celui de Alnia. Au notre, tout simplement. Je frappe l'eau, et elle s'envole dans tous les sens. Est-ce si déraisonnable que cela à souhaiter du bonheur? Qui a donc décidé que les choses ne seraient pas possibles? J'enrage... Et je frappe l'eau de toutes mes forces, et je pleure à nouveau. Je perds totalement la notion de l'espace, et je glisse, tombant dans l'eau. je crois que je crie, mais l'eau étouffe les sons. Y'a t-il quelqu'un ici?
  Je sens un contact, et mon corps bouge. Des mains sur moi, me tirent vers le haut. Ma tête émerge, je me sens faible, je me sens las. Et je sens un corps contre le mien. Mes bras bougent d'eux-mêmes, et enserrent Alnia. Mes muscles se contractent, et je la serre contre moi avec la force du désespoir, de la peine, de l'oubli. Et de la luxure. C'est elle qui se décolle de moi, qui doit lutter pour contrer ma prise. Elle prend mon visage dans ses mains et m'embrasse. Ce baiser n'est qu'une amplification de celui que nous avons déjà échangé. Là, le désir est bien présent, et la tendresse est cachée, timide. Un goût métallique est présent, sang de l'animal sans doute.
  J'ai toujours mes bras autour d'elle, et je l'attire à moi encore. Je sens qu'elle arque le dos pour contrer mon avancé. J'ai peur qu'elle parte, je me baisse et la soulève. Ce n'est que lorsqu'elle enroule ses jambes autour de ma taille que je me rend compte qu'elle est nue. Sa peau se colle à la mienne, nos corps s'harmonisent. J'ai envie de découvrir chaque parcelle de son corps. Une main est posée dans son dos, et je sens les muscles, la fermeté, son cœur qui bat à tout rompre, autant que le mien. Mon autre main explore, ses jambes, son visage, ses bras... Mon sang chauffe, mon esprit s'élève, ma respiration devient puissante. J'ai l'impression d'avoir une énergie en moi qui croit, qui ne cesse de croitre jusqu'à prendre des proportions inimaginables. Toujours accrochée à moi, par ses jambes et un bras sur mon épaule, elle s'écarte, m'attrape la main baladeuse et la pose de force sur sa poitrine. Si j'avais déjà perdu la raison, maintenant je perds même le sens de la réalité. Le monde autour n'est plus qu'un concept absurde, le haut, la bas, l'identité, l'humanité. Non! Plus rien, il n'y a plus rien qu'elle, devant moi, contre moi, et le désir, arme ultime, à qui je voue mon corps et mon âme.
  Ses yeux sont des aimants pour mon regard. J'y vois tellement de chose, tellement de désir! Personne ne m'a jamais regardé comme ça. Je ne veux que personne d'autre ne me regarde comme ca, et me salisse d'un désir aussi faux qu'inutile, car il ne serait pas le sien.
  Lorsqu'elle descend sa main pour me saisir, je réalise qu'un stade supplémentaire est possible, et que mon corps est bien plus au courant des choses que moi. Nous nous regardons, nos fronts se touchent, et nos yeux sont tellement proche que j'ai l'impression de voir son esprit au delà. C'est elle qui agit, je la sens glisser sur moi, et bien qu'une grimace torde son visage quelques instants, nous sommes bientôt liés, autant qu'on puisse l'être. Elle se repose contre moi, et noie son visage dans mon cou. Nous restons immobile pendant un long moment, avant que nos corps ne nous rappellent à l'ordre. Je bouge, et elle bouge en accord. L'eau est un autel pour notre échange, et lentement, tendrement, nous l'honorons de nous accueillir en son sein. J'aime ses bras autour de mon cou, j'aime avoir mon visage contre le sien, entre un simple contact, un regard plus éloquent que mille mots, et des baisers, incontrôlables.
  Progressivement, notre échange devient plus puissant, plus rapide, plus frénétique. Elle soupire, elle crie, elle rejette la tête en arrière et s'abandonne. Je plonge le visage entre ses deux seins, et je sens son cœur, je sens la chaleur de sa peau. J'ai l'impression que des flammes courent dans mes muscles que des ailes font percer mon dos pour me permettre de voler. Je la serre si fort qu'elle se briserait si elle n'était pas hybride. En un mouvement final, je crie à mon tour, l'accompagnant et nos regards se verrouillent l'un à l'autre. Ses pupilles sont jaunes, et je sais que les miennes doivent être couleur or.
  Mes muscles sont douloureux d'avoir été contractés, mais je ne la lâche pas, et elle reste accrocher à moi. Je pose mon visage sur son cou, et elle fait de même. Nos respirations sont synchronisées. Je n'ai jamais ressenti ça de toute ma vie. Je n'aurais jamais pensé que l'amour pouvait être aussi fort, aussi intense. Aussi agréable.
  _ Merci...
  Que dire de plus? Rien... Tout a déjà été exprimé, et même ce mot n'est qu'une pâle réalité par rapport à ce qui vient de se passer. Je crois qu'elle le comprend, et elle rigole doucement, avant de rejeter la tête en arrière pour rire de bon cœur. Je me joins à elle, et d'une certaine manière, la tension de nos corps s'envole. Lorsqu'elle me regarde à nouveau, ses yeux sont redevenus normaux, et elle m'embrasse avec passion.
  _ Merci à toi... Je n'aurais jamais cru... Tu es... Nous...
  Un voile passe dans son regard, et elle s'agrippe à moi plus fort, se redressant, me serrant de ses deux mains la tête sur la poitrine. Je ne me plains pas.
  _ Viens... Viens avec moi. Partons d'ici, et restons ensemble, pour toujours. Loin de tous, loin de la folie...
  Je serais prêt à damner mon âme je crois, à vouer mon existence à elle, à nous.

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  Et voilà, une scène de haine, et une d'amour... Comme quoi, les deux sont peut-être liés finalement!
  Ça donne quoi pour vous?

  Xan

2 commentaires:

  1. Et c'est tout ce que je t'ai inspiré ?
    ...
    JE RIGOOOOOOOOOOOLE !!! C'est trop beau <3
    T'es doué pour ça ^^
    Ecrire des trucs pareils j'y arrive pas, avec moi faut que se soit violent -_-"
    mais franchement, bien !
    Alors je pense que Jiono/Dirac se sera prochainement =)
    BISOUS

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  2. Ah, heu, ouais, finalement, c'est un petit peu, un lâche lol ! Nan mais quoi, il la connait même pas, cette Alnia, rà là là, les hommes! Une femme qui résiste et paf, ça fait des ravages ! lol

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